Une évasion extraordinaire

DITES-NOUS : « Monsieur Paul DELPECH… »

  

Paul jeune

 

ATCHIKI a rencontré (1) pour notre numéro spécial du congrès 2009 des anciens combattants à Sare Monsieur Paul DELPECH. Nous l’en remercions bien vivement Il a bien voulu nous accorder cette entrevue, pour nous raconter son extraordinaire histoire, vécue pendant la période de la guerre 1939-1945.

Pour que l’on sache, encore et toujours. Pour que la mémoire ne soit jamais effacée. Pour nous, certes, mais aussi pour notre jeunesse et qu’elle puisse transmettre aux générations futures.

(I) avec le concours de Maurice DELPECH, son neveu, instigateur de cette rencontre

 

 ATCHIKI : Monsieur DELPECH, pour nos amis lecteurs, voulez-vous vous présenter

 Paul DELPECH:  je suis né à SARE le 3 juillet 1911; je suis donc dans ma 98ième année. J’en ai vu de toutes les couleurs et surtout lors de ma prime enfance. Je me rends compte qu’il y a des périodes de la vie qui méritent d’être relatées. Et d’autres doivent être oubliées

 ATCHIKI :  …Monsieur DELPECH ….

 Paul :  ….Permettez ….pas de monsieur; je m’appelle PAUL

 ATCH : Paul, vous avez des faits marquants n’est-ce pas?

 Paul.:  Certes; deux choses ont marqué ma jeunesse. La mobilisation de 1914. J’avais trois ans. Cela m’a marqué; je n’y comprenais rien. Je voyais partout des gens qui courraient, ici et là. Les cloches qui sonnaient à toutes volées. Des gens qui étaient à moitié fous. C’était la panique. Et puis, c’est un trou dans ma mémoire

 11 NOVEMBRE 1918 ….. ……JOURNEE MAGNIFIQUE

 Par contre, ce jour du 11 novembre 1918. C’était une journée magnifique; un temps idéal. Avec ma mère, nous avons rencontré notre vieil instituteur. Car, par ce temps de guerre, on avait « raclé les fonds de tiroirs »; les vieux enseignants avaient été réquisitionnés, puisque les hommes étaient partis au front. Donc, notre instituteur vient vers nous et les bras en croix: C’est la victoire ….il pleurait et il embrasse ma mère…

 C’était un flot de gens innombrables, qui arrivaient des villages alentour. Parfois ayant parcouru, dix ou vingt kilomètres, musique en tête, pour fêter la victoire. Cela m’avait frappé d’une façon terrible

 ATCH: Le temps ayant passé et devenant adulte, avez-vous pensé qu’un jour vous seriez amené à faire la guerre?

 Paul: A partir de 21 ou 22 ans, dans mon subconscient, je pensais que la situation allait s’ébrécher; et que nous allions au « casse-pipe ».

 ATCH : Qu’est-ce qui vous faisait penser à ce genre de situation?

 Paul: …je vais vous dire. D’abord, nous étions trop heureux. Et que cela ne pouvait pas durer,

 1939……C’EST LA GUERRE!

ATCH : C’est la déclaration de guerre, quelle est votre situation?

 Paul : J’étais fiancé et quelques mois avant de partir mobilisé, je me suis marié. En Mai 1939 la France a été mise à genoux, par une organisation militaire allemande très puissante. Tout en considérant, qu’ils s’étaient réarmés à la barbe des alliés. Et comme ceux-ci, diplomatiquement, ménageaient leur susceptibilité, ils ont déclanché cette guerre éclair. Et d’ailleurs, notre ligne MAGINOT a été complètement contournée par eux.

 ATCH : Paul à quelle date avez-vous été mobilisé?

 Paul :  . .  le 29 Août 1939, à TARBES dans l’artillerie. Et tout doucement nous sommes arrivés en vue de la frontière allemande à KIRCH

 Maurice:  …c’est là que tu as été fait prisonnier?

 Paul :…nous nous trouvions dans les Ardennes; les Allemands nous avaient contourné. Nous étions 6 ou 7000. Nous n’avions plus de munitions. Nous étions pris dans une nasse, sans aucun appui d’aucune sorte; ni terrestre, ni aérien ….Enfin nuls. Les Stukas nous harcelaient en bombardant et mitraillant. Et des dizaines de combattants étaient abattus …. sans pouvoir se défendre.

 Et c’est ainsi que nous avons été faits prisonniers par des troupes allemandes fraîches ; de jeunes nazis. Ils ont été très durs avec nous. Je vous dirai, que je n’ai pas de haine contre les Allemands, mais contre ce parti national-socialiste.

 ATCH : …vous êtes donc fait prisonnier ….

 Paul :  Oui à GERMONVILLE, en Lorraine et ensuite nous sommes restés environ quarante jours en camp à NANCY, où nous étions environ 80.000. C’était affreux. D’ailleurs, beaucoup sont morts des suites des conditions de détention.

 ATCH : C’est un périple éprouvant que vous entamiez?

 Paul : Très éprouvant, avec des SS qui nous bousculaient constamment. Repoussant sans ménagement les gens, qui en passant nous donnaient de l’eau ou à manger. C’était extrêmement éprouvant.

 Nous étions traités comme des bêtes; terriblement assoiffés au point qu’un des nôtres s’est précipité vers un abreuvoir pour plonger sa tête dans l’eau. « PAN » Un SS l’a abattu sur place. C’était affreux. Pendant près de six mois, nous avons été les jouets de ces « SS « .

 ATCH …des camps, où vous envoyait-on travailler ?

 Paul : J’avais été désigné pour travailler dans une ferme. Et dans l’ensemble, ma foi c’était plutôt sympathique. Il y avait une dame seule avec un enfant. Je travaillais au champ. Et un jour, je suis abordé par un Allemand qui m’interpelle: «…c’est toi le prisonnier de la maison? » Surpris, je lui réponds sèchement: ….qu’est-ce que ça peut te f  ! » Il voulait savoir si j’étais bien traité.

 «  Tu sais me dit-il, et il lève une main, où il ne restait que le pouce; j’ai fait la guerre de 14/18 et je suis resté prisonnier 3 ans à COMPIEGNE; aussi ai-je dit à ma femme; si tu as un prisonnier tu le traiteras aussi bien que je l’ai été »

 ATCH : ..cet allemand était-ce l’homme de la ferme?

 Paul :  Oui, il travaillait en usine et rejoignait sa famille ce jour-là.

 La vie de prisonnier de PAUL va continuer ainsi, de mutation en mutation, avec celle qui l’amènera dans une très grand ferme à KAISERLAUTHERN; une propriété de 550 hectares. Et là, il rencontre des copains Basques; ils travaillaient beaucoup. Mais, Ils sont bien nourris.Enfin, tout étant relatif il y trouvent un mieux et physiquement ils se sentaient plus costauds.

 S’EVADER —S’EVADER —

 ATCH : Quand avez-vous eut l’idée de fuir, de vous évader?

 Paul : Cette idée parcourait mon esprit depuis longtemps. Mais j’étais trop faible pour entreprendre quoi que ce soit. Car c’est un périple de 250 kilomètres environ, jusqu’à la frontière. Aussi, il me fallait reprendre des forces et mes camarades également.

 ATCH : Cela demande une préparation ….

 Paul : D’abord, il faut préciser que nous étions cinq basques; unis comme les doigts de la main et que nous échangions en basque bien sûr.

 ATCH : Pour mener cette entreprise, il fallait une tête pensante? …c’était qui? ………………

Paul ne nous répond pas de suite et tout en le regardant, dans les yeux je lui dis : « C’était vous ? ».

 Et en hochant la tête, simplement il me dit «OUI »

 250 KILOMETRES …EN SIX Nuits

 Le périple jusqu’à la frontière durera pendant six nuits. Se cachant le jour.

 Leur réserve de vivres était constituée sur les prélèvements qu’ils effectuaient sur les colis qu’ils recevaient En trompant la vigilance de leurs gardiens, en remettant les boîtes vides exigées, remplacées par d’autres utilisées par ailleurs.

 Six jours et six nuits de fatigue, de crainte, mais aussi de volonté, de courage et d’espoir. En comptant aussi sur la bonne étoile.

 ATCH . . . . . vous vous déplaciez de nuit; mais comment se diriger?

 Paul : J’avais le sens de l’orientation. Et donc la nuit, c’était l’étoile Polaire qui nous servait de repère. Et puis nous avons fabriqué une boussole avec un morceau de lame de rasoir. Et nous avions marqué le bout aimanté, avec un peu de dentifrice, pour mieux le distinguer.

Il montre la boussole qu’il a fabriquée pour s’évader

   Et c’est ainsi que nous sommes arrivés en vue de SARREBRUCK; et avec notre système nous ne nous sommes trompés que de 5 kilomètres environ.

ATCH: …quelle volonté?

 Paul :  Ah oui! Formidable, formidable. Et puis, cette équipe de 5 copains. Nous étions soudés. Mais là, il fallait traverser la rivière frontalière. Et notre bonne étoile nous accompagnait toujours.

ATCH : Après la traversée, vous étiez. en France mais en zone occupée

 Paul : Ah! Ah! Oui, oui …..

Ainsi, Paul et ses camarades iront jusqu’en zone libre à MAULEON. Aidés par des réseaux; de passeur en passeur; à pied, en barque, en autobus. On leur donnait des vivres, de l’argent C’était de la part de ces anonymes, leur façon de résister à l’occupant.

 ANECDOTE: …en descendant d’un bus lors d’une étape, une dame âgée, leur a remis un paquet de vivres et 300 francs; pour l’époque c’était une somme importante.

 MAULEON LA SOULE LE PAYS  LA FAMILLE

 Paul : Je suis resté, environ 2 ans à MAULEON; il y avait un centre du SECOURS NATIONAL, et j’y ai travaillé comme secrétaire. Ayant certaines possibilités à ce poste, je ne manquais pas d’aider à l’occasion des familles lorraines qui avaient fait beaucoup pour nous.

 ATCH : Etre à MAULEON, si près de SARE, vous deviez avoir un pincement au coeur?

 Paul : Oui, c’est sûr. Mais je m’échappais et y allais quelquefois, en me cachant bien sûr.

 ATCH : Votre bonne étoile, votre bonne étoile.

 Paul : Oh! oui, sûrement. Nous étions sous une bonne étoile; vraiment.

 ATCH : Pour faire ce que vous avez fait, c’est de la volonté, mais aussi de la foi?

 Paul : C’est sûr; je suis croyant. D’ailleurs, nous nous étions promis, qu’à notre retour nous irions en pèlerinage. C’est ce que nous avons fait Nous sommes allés prier à LOURDES.

 

 Retour des prisonniers à Sare. C’est le 1er après les porteurs de gerbes

   

L’année de son décès en 2009

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