Le gardiennage des animaux faisait partie des travaux attribués aux enfants ; à cette époque les clôtures électriques n’ existaient pas. Les haies dissuadaient un peu les animaux de s’échapper. Au moment des foins en rentrant de l’ école nous trouvions la maison vide, la porte fermée à clé, un papier sur la table avec les « instructions »: goûtez, envoyez les cochons, et faites vos devoirs.
Donc on amenait les cochons au pacage, ils sortaient en trombe, pressés de se rassasier dans le pré. En lorgnant de leur côté, j’expédiais mes devoirs d’école, espérant que ces folichons par moments, me laisseraient lire tranquillement « Fripounet et Marisette », car haletante il me tardait de savoir ce qu’il advenait de Sylvain et Sylvette en fâcheuse posture avec le sanglier dans le précédent numéro (peut-être avez- vous vécu les mêmes angoisses!). Je lisais aussi « La semaine de Suzette » avec les aventures de Bécassine. Quelques fois Lisette ou les aventures de « Bibi Fricotin » que le tonton de Tarbes achetait à mon voisin…évidemment ces magazines s’échangeaient. Entre-temps maman rentrait fatiguée par les travaux de fenaison et nous l’aidions à rentrer les cochons pour manger la pâtée qu’elle leur avait préparé.
Après la moisson, on les amenait dans les chaumes en les appâtant avec un fond de seau de grain pour leur enseigner leur nouvel itinéraire, mais pas seulement à eux, tout suivait : les oies, les dindons, les chats la queue dressée (on en avait toujours une escouade). Maman profitait du trajet pour nous réciter « les 3 chats de mon grand-père » et aussi » le laboureur et ses enfants ». Arrivés à ce champ sans encombre – heureusement à cette époque il n’ y avait pas d’auto – le rituel était en route pour plusieurs jours.
En été et automne avant de lâcher les cochons, il fallait ramasser les beaux fruits tombés sous les arbres fruitiers (prunes, pêches, nectarines, pommes, poires, sorbes…) le reste régalait les gloutons. En plus ils ne devaient pas passer sous la vigne, manger les raisins ou faire tomber les grappes . L’horreur, c’était le « noah » très fragile, en plus des cochons il fallait chasser les poules et les canards. Une intrusion de tout ce monde nous valait de belles remontrances et taloches et de ramasser grain par grain le raisin sous les ceps de vigne.
Venait la saison des châtaignes et des glands. les cochons parcouraient les bois toute la journée. Ils avaient les membres fermes, de vrais sportifs ! Dans la soirée, on mettait les mains en porte-voix pour les appeler « Say tè, say tè ». Ils rappliquaient. Quelquefois, il fallait l’aide du chien pour ramener quelques gourmands attardés. Ils ne savaient pas que toutes ces bonnes choses nuisaient à leur durée de vie ! Les champs de farouche (trèfle incarnat) et de raves leur convenaient aussi parfaitement. Pendant qu’ils se goinfraient, il fallait ramasser des broutes et surveiller qu’ils ne trouent pas la haie, repus. A la maison, nous en gardions deux pour la provision. Le pèle porc réduisait l’effectif et on en vendait deux ou trois autres. Le cycle recommençait avec une nouvelle portée…