Voici, pêle-mêle, quelques souvenirs de la vie à ESTIALESCQ, des années 30 jusqu’aux années 40.
1929 : Electrification avec éclairage public sur toute la commune.
Une ampoule avec abat-jour sur les poteaux en bois à chaque endroit dangereux : descentes, virages, croisements, fontaines. La puissance, fournie par des fils de cuivre relativement fins était faible, mais représentait tout de même une grande avancée.
A cette époque, c’était remarquable pour un petit village.
Seulement, quelques rares maisons avaient refusé le branchement par crainte d’incendie.
A LASSEUBE, seul le bourg et ses environs immédiats étaient électrifiés.
1965 : Installation du réseau d’eau potable.
Voici, pêle-mêle, quelques souvenirs de la vie à ESTIALESCQ, des années 30 jusqu’aux années 40.
1929 : Electrification avec éclairage public sur toute la commune.
Une ampoule avec abat-jour sur les poteaux en bois à chaque endroit dangereux : descentes, virages, croisements, fontaines. La puissance, fournie par des fils de cuivre relativement fins était faible, mais représentait tout de même une grande avancée.
A cette époque, c’était remarquable pour un petit village.
Seulement, quelques rares maisons avaient refusé le branchement par crainte d’incendie.
A LASSEUBE, seul le bourg et ses environs immédiats étaient électrifiés.
1965 : Installation du réseau d’eau potable.
Ces deux commodités nous amènent à un niveau de confort comparable à celui de la ville, avec l’arrivée de la machine à laver le linge et la suppression des « TOILETTES AU FOND DU JARDIN ». Avant, il fallait aller chercher l’eau potable à la pompe communale ou à la fontaine, parfois jusqu’à 300 ou 400 mètres. C’est dire qu’on ne la gaspillait pas !
La quasi-totalité des habitants vivait de l’agriculture. Il y avait quelques ouvriers agricoles, des domestiques qui étaient considérés comme de la famille et, bien souvent, y finissaient leurs jours. Mais, la grande majorité, c’était des petits propriétaires, entre 5 et 10 hectares.
Les fermes produisaient presque de tout : blé, maïs, vin, vaches, veaux, cochons, poules, lapins, canards, oies, etc…et, bien sûr, tous les légumes pour la soupe, plat principal pour le Béarnais.
Les cultures
Les surfaces semées en blé et en maïs étaient équivalentes, ceci pour l’assolement.
La Rotation : Blé, novembre-juillet. Trèfle incarnat (farouche), août-avril, maïs, mai – octobre.
Les rendements étaient très inférieurs à ceux d’aujourd’hui.
Le blé
La semence provenait de la récolte précédente qui était traitée avec du sulfate de cuivre pour éliminer les maladies.
La moisson se faisait avec la faucheuse du foin aménagée pour ce travail. Des voisins venaient aider à déplacer les javelles et ainsi, permettre le passage de la faucheuse.
Le Battage : « la batère ». La batteuse se déplaçait de ferme en ferme. L’opération nécessitait une douzaine de personnes. Le travail le plus dur était le liage de la paille avec des lianes, à l’arrière de la machine, par 3 ou 4 hommes, à tour de rôle. Il y avait une poussière épouvantable. Et la gourde était souvent de service pour humidifier un peu la gorge, ce qui leur jouait parfois des tours !
Les bottes de paille étaient ensuite stockées autour d’un mât afin de former une grosse meule conique de façon à évacuer l’eau de pluie vers l’extérieur : »LE BURGE ».
Tout se terminait par un repas festif et des chansons
Le maïs
Après pollinisation, le maïs était écimé pour récupérer de la nourriture pour les vaches et accélérer la maturation.
La récolte faite, le soir, on pratiquait, collectivement avec des amis, le dépouillage des épis : « L’ESPEROUQUERE » agrémenté par des chansons et des histoires tout en mangeant des marrons et en buvant du bourret.
Productions secondaires
Le haricot de « maïs » était associé au maïs qui lui servait de tuteur.
La féverole au blé, pour la nourriture des cochons.
Les raves à la farouche, pour la nourriture des cochons. Seulement dans le cas d’absence de berger car elles diminuaient le rendement de la farouche.
Le trèfle incarnat
Culture intermédiaire, il était généralement loué au berger transhumant qui venait passer l’hiver dans la plaine.
Le berger logeait chez l’agriculteur et était nourri gratuitement. En contrepartie, les brebis, un troupeau de 100 à 200 bêtes, produisaient le fumier dans la grange durant un mois par agriculteur. Ce fumier fertilisait la terre du maïs. Tout comme la farouche, riche en azote.
On n’utilisait pratiquement pas d’engrais chimiques.
Il n’y avait pas de tracteur. Tout se faisait par traction animale : les bœufs pour la culture ; les mulets pour le débardage du bois.
La vie économique
On vivait pratiquement en autarcie. Peu de production et très peu de consommation extérieure. Le blé était fourni au boulanger en échange du pain. En septembre, on faisait le bilan pour savoir qui devait payer la différence, soit le boulanger, soit le consommateur.
Les quelques autres denrées indispensables : sel, sucre, café, chicorée etc…étaient achetées aux deux épiceries du village et au marchand ambulant.
Il n’y avait pas de gaspillage, ni de déchets ménagers comme aujourd’hui. La vaisselle était lavée à l’eau chaude, sans détergents. Un peu grasse, cette eau servait à préparer la pâtée pour les cochons. Les épluchures étaient mangées par les poules ou les lapins. Les restes de pain, de nourriture et les os étaient utilisés pour la soupe du chien. L’eau usée n’était pas jetée mais servait à arroser les plantes.
Les yaourts étaient dans des pots de verre tout comme les bouteilles de vin. Ce verre était consigné, donc, on le ramenait chez le marchand.
« Les Manobres »
Les chemins communaux empierrés étaient entretenus par les habitants : « les manobres »
Le chef cantonnier, aujourd’hui conducteur de travaux, déterminait les endroits à améliorer avec des petits piquets de noisetier fendus, comprenant le nom et la quantité de cailloux à fournir. Les pierres étaient extraites des petites carrières du bois communal et ensuite cassées en petits morceaux avec une masse. Le chef cantonnier venait vérifier et le cantonnier municipal les mettait en place avec de la terre du fossé pour les stabiliser.
Les quantités à fournir étaient déterminées selon certains critères :
² -une paire de bœufs : x m³
² -une paire de vaches : x m³
² un homme : x m³
En moyenne, 1,5 m³ à 2 m³ par famille. Les femmes n’étaient pas imposées. Ceux qui ne voulaient pas ou ne pouvaient pas faire ce travail devaient payer une taxe. Cet argent servait à acheter du gravier pour la route centrale qui était gravillonnée. Si on voulait que son secteur soit entretenu on avait tout intérêt à faire le travail.
Entre les arêtes coupantes des cailloux et les pointes perdues par les sabots cloutés, les crevaisons à vélo étaient fréquentes.
Les familles nombreuses
Il y avait des familles de 10/12 enfants et plus. Pour eux, la vie était très difficile. Les garçons dès l’âge de 10 ans, partaient dans d’autres familles garder des enfants plus jeunes et aussi les vaches. S’ils ne quittaient pas la commune, ils pouvaient continuer à aller à l’école. Souvent, ils arrêtaient là leur scolarité. Cela faisait toujours une bouche de moins à nourrir !
Il n’y avait ni allocations familiales, ni aides au logement, ni sécurité sociale, ni retraites. Trois générations vivaient sous le même toit et tous participaient, selon leur force physique, à la vie commune. C’était sûrement la meilleure façon de subsister.
La cohabitation ne devait pas être facile pour tout le monde. En général, c’était le couple le plus âgé qui dirigeait. Les autres servaient de domestiques non payés en attendant leur tour.
La cohabitation
Bien souvent, la position de la bru n’était pas très confortable. La belle-mère dirigeait la maisonnée pour le bien de tous, mais ne laissait que peu de place aux initiatives de la belle fille. Ce qui n’était pas toujours très bien vécu…mais on se taisait, respect oblige. Aujourd’hui, peu de filles accepteraient cette situation.
La chaux
Il y avait plusieurs fabricants de chaux à ESTIALESCQ. Les carrières de calcaire étaient nombreuses dans le secteur et la pierre de différentes qualités. Plusieurs sortes de chaux sortaient des fours :
² La chaux blanche, qui servait à blanchir les maisons, extérieur et intérieur. En plus de la peinture, elle avait l’avantage d’éliminer les microbes.
² La chaux ordinaire, qui était utilisée comme liant du sulfate de cuivre pour le traitement de la vigne.
² La chaux de construction, qui remplaçait le ciment, était transportée dans des charrettes tirées par des bœufs sur des chantiers assez lointains, jusqu’à Arette !
Pour plus d’informations, visiter le « Sentier des Marlères » à Estialescq
Le bois de chauffage
Deux lots de bois de chauffage étaient attribués à chaque foyer. Pour ceux qui n’avaient pas la possibilité de rentrer leur bois, les voisins organisaient des « TIRADES ». Chacun, avec une charrette, leur faisait le transport gratuitement, y compris les fagots très utilisés pour l’allumage du feu.
Belle solidarité !
En remerciements, la famille offrait un bon repas le dimanche suivant, qui se terminait par une petite fête.
Le chiffonnier
Avec sa petite charrette tirée par un âne, le chiffonnier faisait sa tournée, deux fois par an, pour acheter les chiffons, les plumes et les peaux de lapin.
Le castreur
Il venait de MONEIN à vélo. Arrivé sur la route centrale, il jouait de la flûte de pan pour signaler sa présence. On l’entendait pratiquement dans tout le village.
Ceux qui voulaient faire châtrer des porcelets et des veaux destinés à devenir des bœufs de travail allaient le chercher.
La tournée du renard
Le renard faisait beaucoup de dégâts dans les poulaillers. De temps en temps les chasseurs en tuaient un. On lui liait les pattes, puis on l’enfilait sur une barre de bois portée sur l’épaule par deux hommes, rarement des chasseurs, qui passaient dans les maisons, où ils étaient très bien reçus, montrer leur prise et ainsi récupérer quelques pièces de monnaie.
Les scieurs de long
Dans la forêt, les bûcherons sciaient des troncs de chêne en tronçons de 2m70, les équarrissaient à la hache et ensuite traçaient des lignes de sciage à l’aide d’un cordon imbibé de poudre bleue. Puis, le bloc était monté sur un échafaudage et arrimé pour l’empêcher de bouger.
La lame de scie était placée au milieu d’un cadre en bois pour bien la stabiliser et lui permettre de pénétrer à l’intérieur, sur toute la longueur du tronc. Un bûcheron sur le tronc, un autre dessous, tiraient à tour de rôle sur le cadre pour scier et ainsi débiter des traverses destinées à fixer les rails sur les voies ferrées.
Les artisans
Le forgeron maréchal ferrant
Il réparait toute sorte d’outils agricoles, fabriquait des socs pour les charrues, des haches et affûtait tous les métaux à la forge. On percevait de loin ses coups de marteau sur le fer et surtout les deux coups sur l’enclume pour refroidir le marteau, ce qui donnait une musique bien rythmée d’autant qu’à cette époque, on n’entendait que les petits oiseaux et les jurons des charretiers.
Il ferrait aussi tous les animaux de travail.
Si le cheval est assez docile pour lever la patte, il n’en est pas de même pour la vache. Elle devait être placée dans une stalle sans cloisons, les cornes bien attachées à un poteau avec des cordes, et ensuite soulevée à l’aide de deux sangles sous le ventre par un treuil manuel. N’ayant plus d’appui sous le sol, elle se trouvait stabilisée.
La forge comportait un grand foyer et un énorme soufflet accroché au mur, actionné par une chaînette pour attiser le feu et ainsi augmenter la température du charbon. Lorsque le fer était bien rouge, il le façonnait sur l’enclume pour lui donner la forme adéquate. La pièce terminée, encore chaude, était présentée sur le pied de la bête en brûlant la corne qui dépasse. Ensuite elle était trempée, chauffée rouge vif, puis plongée dans l’eau froide.
Le charron
Il fabriquait des charrettes et les réparait. Travail délicat, surtout pour monter les grandes roues cerclées de fer. Les rayons de bois étaient chauffés pour les assouplir et leur permettre de rentrer plus facilement dans les mortaises du moyeu central. Les grands cercles en fer étaient également chauffés pour qu’ils se dilatent et serrent bien l’ossature bois et les rayons, en se refroidissant.
Il fabriquait aussi des barriques pour le vin. Les douelles en chêne ou châtaignier étaient chauffées pour permettre de leur donner les formes incurvées indispensables. Elles étaient ensuite assemblées et entourées par des cercles de différents diamètres pour les maintenir et leur donner cette forme oblongue.
Ces travaux qui paraissaient anodins étaient pourtant bien compliqués.
Les fabricants de balais de bruyère.
Ces artisans bénéficiaient d’une matière première totalement gratuite. Aucune fourniture achetée. Ils allaient récupérer dans les bois communaux :
² La bruyère.
² Des tiges de ronces d’une certaine grosseur pour lier.
² Des tiges de noisetier comme manches
La préparation :
La bruyère est séchée au soleil.
Le manche de noisetier est pelé et aiguisé sur le bout le plus fin.
La ronce est coupée à la longueur voulue, puis fendue.
Le manche et la ronce sont également mis à sécher. Lorsque la ronce est sèche, on la fait tremper dans l’eau pour l’assouplir.
La fabrication :
Assis sur une chaise basse, l’artisan mélange judicieusement la bruyère, partie raide et partie souple, pour que le balai soit suffisamment rigide pour la tenue et souple pour enlever la poussière. Lorsqu’il a en main la quantité voulue, il plante à l’intérieur, perpendiculairement à la bruyère, une demi-ronce pour accrocher sa ligature. Au bout de son pied se trouve un piquet rond de 25/30cm de haut planté dans le sol. Ce qui lui permet, avec son pied, d’aplatir et de régler la tension de la ronce. Il fait tourner son paquet de bruyère sur son ventre en tirant pour bien serrer. Lorsque tout est bien solide, il y plante son manche. Puis il prend une serpe pour affiner progressivement son paquet et venir mourir sur le manche.
Avec une nouvelle moitié de ronce, il finit de lier jusqu’au manche. Ensuite, avec la serpe, il pare son balai pour que tout soit au même niveau avec la ligature parfaitement alignée et comme intégrée au manche. Un vrai travail d’artiste !
La rentabilité n’était pas sa préoccupation principale !
La vie quotidienne
En général, c’était le mari qui gérait le patrimoine. Les femmes s’occupaient de la volaille, des cochons et des petites bêtes.
C’est elles qui vendaient les poulets, les œufs, les foies gras … On vendait tous les foies commercialisables, ce qui servait aux achats chez l’épicier.
La vente des vaches, veaux et cochons avait lieu au marché ou à la foire. Après le marchandage obligatoire, le maquignon disait : « tope là ». On se tapait la main. Pas besoin de papiers.
Personne n’aurait osé s’en dédire. Puis, il marquait sa bête avec signe distinctif fait en découpant quelques poils avec des petits ciseaux. Il sortait de ses poches deux gros portefeuilles remplis de billets de banque, et réglait la somme en numéraire. En général ça se passait au café devant un verre de blanc. La période était plus sûre qu’aujourd’hui !
Les femmes avaient la vie particulièrement difficile. Le travail le plus pénible était certainement de faire la lessive : faire tremper, frotter le linge avec du savon de Marseille, le faire bouillir dans la lessiveuse et aller le frotter à nouveau avant de le rincer dans un des cinq lavoirs communaux, dans de l’eau bien froide. Parfois, on utilisait de la cendre de bois pour remplacer le savon.
La lessiveuse était transportée sur la brouette dans des chemins peu carrossables. Parfois le mari allait pousser la brouette à l’aller pour que la lavandière ne sue pas trop avant de rester dans le froid.
Elles n’avaient pas le droit de vote !
La nourriture
On n’achetait de la viande de boucherie que très exceptionnellement, pour les grandes occasions.
On mangeait les produits de la ferme, essentiellement du porc et des œufs.
Les victuailles étaient suspendues au plafond dans la cuisine : lard, jambons, boudins, saucisses, saucissons.
Certains avaient du lard de près de 10 cm d’épaisseur et en étaient tout fiers : cela voulait dire que le cochon avait été bien soigné.
Les gens se dépensaient tellement physiquement que cette nourriture, peu diététique, ne posait pas problème.
Le porc
Le cochon est un animal omnivore. Il mange du trèfle, de la pâtée avec toute sorte de légumes, raves betteraves, pommes de terre, topinambours- il raffole des topinambours crus- du son, de la farine et même, à l’occasion, de la viande. Il creuse la terre comme son congénère le sanglier, pour trouver des vers. Pour l’empêcher de faire des dégâts, on lui plantait des agrafes au bout du groin, ce qui l’handicapait pour creuser la terre. En général, on élevait deux ou trois porcelets ensemble. Les bêtes, comme les gens, supportent mal la solitude qui aurait ralenti leur développement.
Au mois d’octobre, les porcs allaient au bois manger de châtaignes et des glands. A partir de début Novembre, on commençait l’engraissement, progressivement. D’abord avec du maïs nature, puis avec du maïs bouilli et enfin avec de la farine cuite. Pour avoir un bon porc, il lui fallait entre 14 et 18 mois. En général, on n’engraissait qu’un cochon, les autres étaient vendus en Novembre.
Le pèle-porc se faisait à la maison et donnait lieu à une fête familiale. Les oncles, tantes, grands-parents venaient donner un coup de main. C’était aussi l’occasion de se réunir.
On choisissait une période froide avec la lune descendante qui agissait sur la conservation de la viande. –non démontré, mais admis par beaucoup-.
La préparation des ustensiles
Il fallait aiguiser à la meule, tous les coutelas « les ganibettes ». Nettoyer le chaudron en cuivre qui ne servait qu’à cette occasion. Le cuivre, au contact de l’air, forme une pellicule de vert de gris qui ne part pas avec de l’eau. Puis, il faut du vinaigre et du gros sel, et frotter énergiquement avec un bouchon de paille. Puis, il faut vider le vinaigre et frotter de nouveau avec de la paille fraîche, cette fois, et avec de la cendre. Enfin on peut le rincer à l’eau chaude.
Le pèle-porc
Le cochon était à la diète depuis 48 heures. Le matin, de bonne heure, arrivaient les parents et les proches voisins. Il fallait quatre hommes.
Le porc était amené, une corde dans la gueule pour l’empêcher de mordre, une autre à la patte arrière. Ce qui permettait, en les liant, de le maintenir sur la maie retournée plus facilement.
La maie, une espèce de baignoire en bois, évasée, de la longueur du porc, munie de poignées qui permettaient à deux personnes de la déplacer.
Lorsque l’animal était bien stabilisé sur la maie, le saigneur lui tranchait la carotide avec son coutelas pointu. Une femme glissait une bassine émaillée dessous, pour récupérer le sang. Elle le remuait sans arrêt pour l’empêcher de se coaguler. Le porc mort, on partait manger l’andouille de l’année dernière avec du saucisson, du pâté et du fromage. Le casse croûte terminé, on repartait préparer le cochon. Il est quelquefois arrivé, qu’entre temps, dans un sursaut, l’animal se lève et fasse quelques pas.
On remettait la maie à l’endroit et on y plaçait le porc. On versait de l’eau bouillante sur son corps et on rasait les soies avec un coutelas. La toilette terminée, on le suspendait par les pattes arrière à l’aide d’un treuil. Le préposé à la découpe tranchait le cou. Cette partie, tête et cou, serait utilisée, plus tard, pour les boudins et les saucisses.
Avec son coutelas, il ouvrait le ventre, fendait le sternum à la hache, puis il éviscérait. Les intestins, l’estomac, le foie, les reins, les rognons, le cœur, étaient classés suivant leur destination
Les intestins, coupés à une vingtaine de centimètres de longueur, étaient lavés, retournés, rincés pour devenir les boyaux destinées aux boudins saucissons et saucisses.
Les hommes avaient fini leur travail et on passait à table. Après manger, ils jouaient aux cartes pendant que les femmes allaient faire les boudins.
Elles découpaient la viande adéquate, la faisaient cuire avec un bouillon de légumes dans le chaudron en cuivre. Cette viande cuite était ensuite hachée menu et mélangée au sang. L’assaisonnement était contrôlé par la femme la plus âgée en trempant son doigt dans cette mixture et en le portant à la bouche. On l’ajustait avec du sel et du poivre. Puis, on remplissait les boyaux prévus, on cousait les extrémités avec du fil de coton, et on les faisait cuire dans ce même bouillon.
On faisait aussi des « purres ». De la farine de maïs mélangée à du sang que l’on cuisait avec les boudins. C’était très nourrissant. On en trouve encore aujourd’hui chez certains charcutiers.
Le lendemain matin, on découpait le porc. On arrondissait les jambons. On récupérait la longe, l’échine, les morceaux graisseux et les morceaux maigres que l’on triait. Le reste était taillé en pièces de lard et de ventrêche.
Les femmes passaient les parties maigres dans le hachoir pour faire des saucisses et des saucissons. L’assaisonnement et l’ensachement dans les boyaux se pratiquaient comme pour le boudin, sauf qu’il n’y avait pas de cuisson.
Pour faire l’andouille, l’estomac était découpé en fines lamelles très assaisonnées en sel et poivre pour la conservation jusqu’à l’année suivante où elle serait dessalée et cuite à l’eau. Ces lamelles étaient pliées en deux. Avec une ficelle placée dans le pli, on les enfilait dans le plus gros boyau, et on cousait les deux bouts.
Toutes les parties grasses, ainsi qu’un peu de lard étaient découpés en petits dés, puis fondus dans la chaudière pour faire la graisse. Ensuite, on filtrait la graisse fondue avec une passoire.
Les résidus de gras non fondus et les débris de maigre étaient récupérés. C’est ce que nous appelions les graisserons ou les « chinchous ».
Les quatre jambons, le lard, la ventrêche et la longe étaient frottés avec du gros sel de Bayonne. On les disposait sur un lit de paille, et on recouvrait avec une cuve en bois. Huit jours après, on enlevait le lard et la ventrêche que l’on suspendait au plafond. Les jambons, eux avaient droit à une autre séance de salage avant d’être remis sous la cuve.
La longe débitée en morceaux de rôti était cuite dans la graisse ainsi que quelques saucisses, pour les conserver plus longtemps. Une fois refroidies, elles étaient placées dans de grands pots en terre vernis, le tout recouvert de graisse liquide qui se solidifiait en refroidissant. C’était le confit.
Le foie, mélangé à de la viande de porc, était passé dans un hachoir fin pour être coupé très menu. Puis, enveloppé dans le péritoine, il était mis dans un plat et cuit au four. C’était le pâté. Alors qu’aujourd’hui, il est cuit et stérilisé dans des bocaux pour un goût totalement différent.
Au bout de deux ou trois semaines, selon le résultat du salage, les jambons étaient suspendus dans la cheminée, sur les murs latéraux pour sécher et prendre l’odeur de fumée. Début Mai, on suspendait ces jambons, mis dans des sacs ajourés, au plafond, ce qui leur permettait de sécher et d’être protégés des mouches. Sinon les mouches venaient pondre au niveau de l’os et les larves faisaient pourrir la viande
Parfois, au bout de quelques mois, ces jambons et les saucissons étaient mis dans la cendre pour ralentir leur séchage.
Toute la cuisine était faite à la graisse, l’huile n’étant utilisée que pour la vinaigrette.
Les oiseaux de la basse cour
Les poules et les poulets vivaient en totale liberté. Ils étaient nourris avec du maïs. Ils mangeaient aussi des vers, de l’herbe et marchaient beaucoup. Ces poulets avaient la chair très ferme, même plus que les poulets fermiers d’aujourd’hui.
Les poules avaient une période de chaleurs, en général au printemps : c’étaient les glousses.
Elles couvaient leurs œufs que l’on remplaçait parfois par ceux des oies et des canes. Elles acceptaient tous les petits, quels qu’ils soient, du moment qu’ils sortaient de leur nid. Il n’y avait pas encore de couveuse électrique
Les oies – les canards
Les oisons, contrairement à ce que l’on pourrait penser, étaient très fragiles, ils craignaient le froid et la pluie. Les canetons, eux étaient très résistants. C’est certainement pour cela qu’il y a beaucoup plus de canards que d’oies.
Tous deux sont élevés de la même façon, aujourd’hui avec des granulés. Autrefois on leur confectionnait une pâtée de farine de maïs à laquelle on avait incorporé un hachis très fin d’orties. L’ortie préservait parait-il de beaucoup de maladies.
Plus tard, on les nourrissait avec du maïs. En novembre-décembre, venait la période du gavage.
On leur faisait ingurgiter par le bec, du maïs bouilli que l’on amenait avec le pouce et l’index, par légère pression, jusqu’au gésier. L’opération était renouvelée deux fois par jour, jusqu’à ce que l’animal, ayant pris beaucoup de poids, ne puisse plus bouger beaucoup. Alors avaient lieu l’abattage, la plumaison, et l’éviscération. Le foie était retiré avec précaution. C’était la principale valeur. Aujourd’hui, il est stérilisé dans des bocaux. C’est le foie gras. Mais à cette époque, il y avait peu d’argent et on le vendait. La carcasse était découpée en quatre, et transformée en confit, comme pour le porc.
Le mariage
Certainement, le sacrement le plus fêté dans les familles. La noce durait toute la journée et une grande partie de la nuit. De bon matin, les copains du marié allaient chercher la jeune fiancée chez elle. Là, tout était barricadé, la fiancée enfermée à l’intérieur. Un copain tambourinait sur le portail, appelait le père en chantant. Le père mettait la tête à la fenêtre. Alors les copains lui demandaient la main de sa fille pour leur ami, toujours en chansons, chansons béarnaises bien sûr. Puis le père ouvrait le portail et tout le monde rentrait.
Après avoir pris un café, les copains, la fiancée et sa famille, partaient à la Mairie où avait lieu le mariage civil. Là, ils retrouvaient le fiancé et sa famille. Ensuite, on allait à l’église.
Après la messe de mariage, on se rendait en cortège et en couples, couples parfois organisés en prévision d’une éventuelle nouvelle union, dans tous les cafés du village, accompagnés par 2 ou 3 musiciens. Auparavant, les mariés avaient composé les couples de jeunes qui, bien souvent, ne se connaissaient pas, en fonction des affinités et en espérant que cela favoriserait peut-être d’autres mariages.
Le lendemain matin on amenait la « ROSTE » dans la chambre des mariés (du pain et du vin dans un pot de chambre neuf) et on les obligeait à boire. Les nouveaux mariés bénéficiaient d’une chambre neuve, offerte par les parents de la mariée : lit, armoire garnie du trousseau de la mariée brodé aux initiales de la jeune fille et préparé depuis longtemps (quelquefois, la belle-mère était fière de le montrer à ses intimes) la coiffeuse, le chevet avec le pot de chambre.
L’ancienne chambre était reléguée dans un coin de grange où l’armoire servait de nichoir aux poules pour la ponte des œufs. C’était des meubles en bois massif : noyer, merisier, chêne, en général très sculptés et qui ont fait les beaux jours des brocanteurs quelques décennies plus tard.
La vigne – le vin et ses dérivés
Le coteau Nord avec exposition Sud faisait partie du terroir de l’AOC Jurançon. L’orientation Sud- Sud- ouest est la meilleure. C’est l’après-midi et le soir que la chaleur du soleil est la plus intense.
En ces temps anciens, tout le monde faisait son vin ; peu importait l’exposition ; Ceux qui n’avaient que de très petites surfaces plantaient les pieds dispersés pour en augmenter le nombre et ainsi leur production. Ces ceps étaient très hauts. Il fallait monter sur un chevalet pour tailler et lier avec des brins d’osier sur des barres de noisetier horizontales surmontées de rameaux de bois pour l’accrochage des sarments. Cette hauteur permettait aussi de planter au-dessous des légumes et notamment des pommes de terre. La variété de la vigne était le « Baco » qui n’avait pas besoin de traitements.
Pour les surfaces plus importantes, la plantation se faisait en ligne avec des piquets d’acacia ou de châtaignier et trois fils de fer pour soutenir les sarments.
Après la taille et le liage, la vigne était labourée en déchaussant les pieds avec une charrue appelée vigneronne, munie d’une barre de fer horizontale à crémaillère, ce qui permettait d’approcher des pieds, tout en laissant l’attelage au milieu.
Ensuite on devait décavaillonner avec un trident. Au mois de Mai, on labourait à nouveau la vigne, mais cette fois en chaussant.
On peut voir pas mal d’outils anciens dont une vigneronne, dans la maison du Patrimoine, à côté de la tour de Grède à Oloron.
Les traitements contre les maladies
On sulfatait la vigne avec du sulfate de cuivre mélangé à de la chaux, ce qui rendait les vignobles tout bleus. On projetait aussi du soufre en poudre à l’aide d’un appareil à soufflets, appelé soufreuse.
Bien plus tard est arrivé le soufre mouillable pouvant être mélangé à la bouillie de sulfate de cuivre. C’est un progrès qui facilite le travail.
Ces traitements de sulfatage et soufrage devaient être renouvelés tous les quinze jours.
Les cépages rouges :
Le COURBU – à petits grains, c’était la variété la plus ancienne.
Le BACO – à petits grains. Petit vin léger au goût particulier mais très agréable. Il avait l’immense avantage de ne pas nécessiter de traitements.
Le TANNAT – à gros grains. Cépage majoritaire dans le Madiran. Très chargé en tannin, il a le goût un peu âpre, mais c’est un vin corsé.
Les cépages blancs
– Le PETIT MANSENG : très bon vin.
– Le GROS MANSENG : bon vin.
Aujourd’hui, ce sont ces variétés qui donnent le Jurançon.
D’autres variétés, en quantité négligeable, dont les raisins étaient mélangés au Manseng : Rafia, Claverie, sauternes…
Le vin
Les vendanges avaient lieu en septembre/octobre.
Le pressoir en béton comportant en son centre une grosse vis sans fin munie d‘un système de serrage à cliquets, était situé généralement dans un angle de grange. Le raisin était amené dans le pressoir où une ou deux personnes le foulaient, pieds nus. Puis on le laissait macérer 48 heures pour que ce jus s’imprègne du tanin et de la couleur, uniquement pour le vin rouge. Passé ce délai, on récupérait cette première cuvée que l’on mettait dans une barrique. Pour le vin blanc, on appelle ça le BOURRET.
Les grappes restantes étaient ensuite entassées près de la vis sans fin et enserrées dans un cadre cylindrique, formé de douelles disjointes pour laisser passer le jus, et qui était composé de deux hémicycles que l’on fixait ensemble. Ensuite, on posait au dessus deux planches qui épousaient exactement la surface des grappes et on serrait à l’aide de la vis sans fin.
Puis on récupérait ce jus.
Certains qui n’avaient pas assez de boisson pour l’année ou qui voulaient vendre du vin pour avoir un peu d’argent, faisaient de la PIQUETTE. On faisait macérer le marc de raisin dans de l’eau et on répétait l’opération de vinification, comme précédemment. Certains y ajoutaient un peu de sucre pour la rendre un peu plus buvable. De toute façon, elle ne se conservait pas longtemps.
La préparation des barriques.
On resserrait la barrique en faisant glisser uniformément les cercles de maintien. Ensuite, on la faisait tremper en la remplissant d’eau pour que les douelles gonflent et assurent une étanchéité parfaite. On la rinçait, puis on la soufrait en faisant brûler une mèche soufrée à l’intérieur.
Pour une bonne vinification il fallait faire plusieurs soutirages dans l’année. On transvasait le vin dans une nouvelle barrique préparée comme ci-dessus et on récupérait la lie dans un tonnelet.
On rinçait plusieurs fois le tonneau vidé et on le soufrait pour le conserver en bon état. On utilisait pendant plusieurs années les mêmes barriques contrairement aux grands crus. Les stocks en hectolitres devaient être déclarés en Mairie chaque année.
Les pièges à grives « cédades »
Les titulaires du permis de chasse avaient le droit de mettre des pièges dans les vignes
Le piège était fabriqué avec une branche d’osier incurvée et deux crins de cheval, de façon à former un arc, la tension des crins étant obtenue par la rigidité de l’osier. Il était placé au niveau des grappes, de telle sorte que lorsque l’oiseau venait picorer le grain, son cou se trouvait enserré par les deux crins.
Les dérivés
La fabrication de l’eau de vie :
C’était très règlementé. Tout d’abord, on devait aller au bureau de tabac se faire délivrer un CONGE mentionnant la quantité à brûler, le jour, l’heure, et s’acquitter d’une taxe.
On prenait la lie de vin récupérée dans le tonnelet à laquelle on ajoutait parfois un peu de vin, et les bûches pour le chauffage.
Le bouilleur de cru était un paysan ariégeois qui pendant la morte saison, partait en tournée avec son alambic fabriquer de l’eau de vie ; à l’exception du foyer, tout l’alambic était en cuivre.
La lie était versée dans une cuve placée au dessus du foyer. On chauffait. L’alcool s’évapore à 78°C. Ce sont donc les premiers gaz à arriver dans le serpentin en cuivre pour se condenser et couler dans un seau gradué.
C’est de l’alcool pur. Pour obtenir la teneur autorisée : 50 % d’alcool, il faut attendre l’arrivée de l’eau qui ne bout qu’à 100°C. Lorsque la valeur, mesurée avec un alcoomètre est abaissée à 50%, on ferme le robinet.
La qualité et la quantité d’eau de vie pouvaient être contrôlées par le Service des Douanes qui verbalisait en cas de non-conformité.
La liqueur de noix.
En juin, on faisait macérer des noix bien vertes dans de l’eau de vie pendant plusieurs jours, jusqu’à obtenir un liquide noirâtre que l’on filtrait.
On y ajoutait de l’eau et du sucre pour avoir une boisson d’environ 20 degrés. C’était le digestif des femmes.
Le bétail
Les vaches de race béarnaise, grandes, ossues, avec de longues cornes en forme de lyre étaient bien adaptées aux travaux de la terre. Mais elles avaient très peu de lait, tout juste de quoi nourrir leur veau. D’ailleurs, elles refusaient de se laisser traire sans la présence du veau. Le veau parti, elles n’avaient plus de lait
Depuis l’arrivée du tracteur, elles n’ont plus leur utilité.
Cependant, quelques rares agriculteurs essaient de sauver la race, mais sa disparition paraît inéluctable.
Elle est remplacée par sa cousine, la blonde d’aquitaine, beaucoup plus rentable pour la viande et les veaux.
Ces béarnaises étaient très rustiques. L’été, elles allaient pacager dans les landes communales, aujourd’hui défrichées, manger l’herbe maigre et dure qui poussait sous la fougère et les ajoncs. Les prairies étaient ainsi libérées pour laisser pousser le foin. La fougère et les ajoncs, fauchés en automne, servaient de litière pour l’hiver.
Il y avait quelques juments mulassières qui en croisement avec l’âne, donnaient naissance à des mulets. Elles servaient aussi pour tirer la voiture pour les sorties. Les mules et les mulets sont stériles et ne peuvent donc se reproduire.
Divers
Au village, il y avait deux moulins qui fonctionnaient avec l’eau de l’Auronce.
Un barrage muni d’une vanne permettait de faire monter l’eau dans le canal vers le moulin et ainsi créer une chute qui augmentait la puissance de l’eau, pour faire tourner les meules, de grosses meules en pierre, piquées pour bien écraser le grain.
La rémunération du meunier consistait en une retenue de farine, « LA PUGNERE », en français : poignées.
Les transactions de céréales ou de farine se faisaient rarement au poids, mais plutôt en volume. Il y avait la « MESURE », une caisse en bois en forme de cube de 25 litres environ, le « BOISSEAU », en bois également mais de forme cylindrique d’environ 4 litres.
Pourtant, il y avait des instruments de pesage :
La bascule communale :
Gérée par un employé municipal, pour peser les gros animaux, les charrettes etc…Située au milieu de la place de l’église, elle limitait notre aire de jeux pendant les récréations.
La bascule à plateau, jusqu’à 200 kgs.
La Romaine:
Le pesage se faisait par suspension des paquets sur un crochet. La romaine était maintenue en l’air par deux personnes grâce à une barre passée dans un anneau légèrement décalé par rapport au crochet. On obtenait la mesure en faisant coulisser le poids sur une tige graduée.
La balance de ROBERVAL :
La plus précise, était composée d’un fléau et de deux plateaux, un à chaque extrémité, le produit à peser sur l’un, les poids sur l’autre, jusqu’à obtenir un parfaite horizontalité, contrôlée par une aiguille verticale, sur un cadran. Les poids devaient être contrôlés périodiquement par le Service des Poids et Mesures qui les étalonnait et, éventuellement, y ajoutait du plomb fondu.
Le pèse-volailles :
Petit, une douzaine de centimètres. Système simple par compression du ressort muni d’un index coulissant le long d’une réglette graduée qui indiquait la valeur.
Pas de grande précision, mais suffisante pour peser les poulets.
L’octroi
C’était un contrôle à l’entrée des villes pour percevoir une redevance sur les produits allant sur le marché.
Les distractions
Le dimanche était vraiment un jour de repos. Les hommes, outre la chasse, allaient jouer aux quilles de neuf ou taper la coinchée dans les deux cafés du village, pendant que les femmes, elles, tricotaient en discutant avec les voisines.
Les jeunes gens allaient au bal dans les environs immédiats puisque certains n’avaient même pas de bicyclette. Les jeunes filles allaient au bal l’après-midi, et le soir seulement lors de la fête patronale avec les mères assises sur un banc à discuter entre elles, tout en surveillant…
Bien sûr, il n’y avait pas de télévision et très peu de postes de radio.
Les années 1935/1945 de notre enfance
Les personnages les plus importants étaient le curé et l’instituteur
L’église
Le curé qui logeait au presbytère desservait Estialescq et le Faget. Il portait comme tous les abbés la soutane noire. Il avait la tonsure représentant une hostie sur l’arrière du cuir chevelu. Il était très respecté et même craint par les enfants.
L’église du bas du FAGET de la chapelle n’existait pas. L’église du haut du FAGET (la chapelle) était très difficile d’accès par un chemin très pentu aux cailloux proéminents. La plupart des services, hormis les enterrements et quelques mariages, avait donc lieu à Estialescq. Dans ce cas, c’était les paroissiens qui se déplaçaient.
Tous les services religieux étaient en latin.
Il y avait une messe à Estialescq tous les matins. En ce temps là, on célébrait beaucoup de messes pour le repos des défunts.
Le dimanche :
8 heures : messe basse, surtout suivie par les ménagères avant qu’elles aillent préparer le repas.
10 heures : messe au Faget.
11 heures 30 : messe chantée à Estialescq.
15 heures : vêpres à Estialescq.
A la sortie de la messe de 11h30, le crieur public lisait les informations municipales
Après son tonitruant : « AVISS A LA POPULATION »
Participait aux cérémonies religieuses : le CHANTRE. C’était un homme, un laïc, à la voix impressionnante qui siégeait en haut, sur la tribune. Il donnait la réplique en latin aux chants du prêtre.
Les femmes assistaient à la messe au rez-de-chaussée, sur des chaises basses (prie-dieu) qui leur appartenaient et étaient marquées de leurs initiales. Les emplacements étaient déterminés et, à leur aspect, l’on pouvait parfois juger du niveau social de l’intéressée.
Elles passaient une bonne partie de la messe à genoux, la tête couverte d’un chapeau ou d’une mantille, contrairement aux hommes tête nue. Les hommes, eux, devaient monter à la tribune, le bas étant réservé aux femmes et aux enfants.
La messe des Rameaux
Au début de l’office, procession autour du bourg avec la croix et les rameaux de laurier. Retour à l’église, la porte était fermée. Alors, le prêtre tapait sur le portail avec le pied de la croix et demandait en chantant que l’on ouvre. Le chantre enfermé à l’intérieur répondait également en chantant et ouvrait la porte. Tout le monde rentrait.
On faisait bénir des quantités importantes de laurier que l’on brûlait dans la cheminée, par petits brins pour protéger du malheur, notamment en cas d’orage, de foudre, de grêle…
La Bénédiction des maisons.
Pendant la semaine sainte, le curé allait bénir les maisons. Il en repartait avec une douzaine d’œufs par maison. Les enfants de chœur les portaient dans un grand panier à volailles. Il en laissait quelques uns aux familles pauvres pour l’omelette pascale et il vendait le reste.
Les Rogations
Pendant 3 jours, le curé les enfants et quelques fidèles allaient, en procession, dans les différents quartiers du village, en chantant des litanies et en récitant des prières pour la bénédiction des récoltes.
La Fête-Dieu
Sur un tapis de pétales de roses, en procession avec les fidèles, le prêtre, installé sous le dais porté par 4 hommes et tenant le Saint Sacrement, allait jusqu’à la croix, chez PUYOULET, puis revenait par le même chemin à l’église pour la messe.
Les enterrements
Pratiquement, tout le monde mourait à la maison. Même les gens hospitalisés étaient renvoyés chez eux avant l’issue fatale. En général, le curé venait donner l’extrême-onction au mourant. On ne s’adressait pas aux pompes funèbres, c’était une affaire de voisins.
Les voisins s’occupaient de toutes les démarches : prévenir le Maire, le curé, le menuisier pour le cercueil, le fossoyeur (on était enterré à même la terre), le sonneur de cloche pour le glas qui était sonné après l’Angélus, trois fois par jour. C’est ce qui permettait aux habitants d’être informés ; Dans la sonnerie, il y avait une différence selon que c’était un homme ou une femme. Ils allaient prévenir la famille, il n’y avait pas d’autre moyen de communication rapide. Ils aidaient aussi à soigner les bêtes, à faire les repas ; ils s’étaient intégrés à la famille.
En ce temps là, on veillait les morts. Famille et voisins se relayaient nuit et jour. Le corbillard noir était remisé dans un garage, derrière l’église. C’était une petite charrette à bras, avec quatre roues, munie d’une impériale. Tirée par deux hommes, elle était destinée à transporter le cercueil.
Les amis venaient à la maison bénir le cercueil avec le laurier et l’eau bénite, dire une prière et présenter les condoléances à la famille.
Arrivait le curé pour la levée du corps : le cercueil était placé sur le corbillard, que l’on recouvrait d’un suaire noir, avec un pompon blanc à chaque angle, tenu par un homme de l’âge du mort. Puis le cortège partait à l’église. Devant, l’enfant de chœur portant la croix, ensuite venaient le curé et l’autre enfant de chœur, le corbillard, la famille, les amis.
A l’église, tous les ornements, le suaire, le prêtre, étaient revêtus de noir. Les femmes de la famille se cachaient le visage en rabattant leur mantille noire. Les hommes portaient un brassard ou un ruban noirs (que l’on gardait jusqu’à la fin du deuil) sur le revers du veston, alors que les femmes étaient vêtues de noir de la tête aux pieds. Pendant l’office, les chants en latin dont on ne comprenait pas les paroles, paraissaient lugubres, et faisaient davantage penser à l’enfer qu’au Ciel.
Il y avait très peu de fleurs naturelles, surtout des couronnes artificielles fabriquées avec du fil de fer très fin entièrement recouvert de minuscules perles colorées et qui représentaient des feuilles et des fleurs. Cependant, à la Toussaint, on portait de beaux pots de chrysanthèmes sur les tombes.
A la sortie du cimetière, les hommes d’un côté, les femmes de l’autre, dans l’ordre de parenté, s’alignaient pour recevoir les condoléances. C’était très pénible. Heureusement qu’aujourd’hui cela se fait sur des registres. La messe d’enterrement avait toujours lieu en fin de matinée pour permettre à la famille de faire l’aller et retour dans la journée. Les moyens de transport n’étaient pas rapides : la voiture à cheval, le vélo ou à pieds.
A midi, on servait une collation aux parents et aux voisins : un bouillon de vermicelles, de la viande bouillie ayant servi à faire le bouillon avec de la sauce tomate maison, du fromage et le café. On remarquera qu’il n’y avait ni viande rôtie ni digestif, considérés comme des produits de fête.
L’instituteur – secrétaire de mairie
L’instituteur était très respecté et estimé comme secrétaire de mairie. Les hommes et les garçons se découvraient pour le saluer. Il assistait à toutes les réunions du Conseil Municipal. Il était donc au courant de tout.
Les gens venaient le trouver le soir pour lui demander des renseignements, un conseil, les aider à écrire des lettres officielles etc…
Le maire qui habitait à côté, venait à la sortie de la classe prendre connaissance du courrier et éventuellement signer des documents.
Il n’avait pas de permanence à la mairie sauf, une fois par mois pour distribuer les tickets de rationnement en cette triste période d’occupation. Cela concernait toute la nourriture plus le tabac pour les hommes. Certains se sont mis à fumer.
D’autres ont échangé ces tickets de tabac contre des tickets de nourriture- affligeant ! Que l’on puisse échanger de la nourriture contre du tabac ! Les J3 (adolescents) avaient droit à une ration plus importante que les autres.
C’était l’homme providentiel.
Peut-être exagérons-nous, mais c’était ce que voyaient nos yeux d’enfants.
L’école
Il y avait un couple marié d’instituteurs pour cette école géminée (garçons et filles ensemble)
La petite classe
La maîtresse, « Madame », avait quatre cours :
² Section enfantine.
² Cours préparatoire.
² Cours élémentaire 1ere année
² Cours élémentaire 2eme année
La discipline était de mise et les punitions nombreuses et variées : la mise au piquet dans un coin de la classe, tirer les oreilles ou la joue, parfois même recevoir une petite fessée…
Il n’y avait pas d’école maternelle. Les enfants de la section enfantine n’étaient pas habitués à rester assis, ne pas parler et écouter.
La plupart ne parlaient ni ne comprenaient le français. On imagine aisément les problèmes que cela devait poser.
En lecture, l’apprentissage des lettres, l’assemblage en syllabes puis en mots se révélait bien difficile. Cette méthode un peu débile qui consistait à allonger la bouche avec le doigt pour dire « a » ; à arrondir la bouche pour dire « o » ferait bien sourire aujourd’hui. Et pourtant, en fin de CE 2, tout le monde était capable de lire, écrire et d’effectuer toutes les opérations mathématiques manuellement, avec la table de multiplication jusqu’à 12, apprise par cœur.
La grande classe :
Le maître, « Monsieur », avait aussi quatre cours :
² Cours moyen 1ere année.
² Cours moyen 2eme année.
² Cours supérieur (sur 2 années), qui avait été créé pour tenir compte de l’allongement de la scolarité.
L’âge pour le Certificat d’Etudes Primaires était passé de 12 ans à 14 ans. Quelques élèves avaient obtenu une dérogation pour motif d’aide familiale et passé le CEP à 13 ans. C’est dire si on commençait la vie professionnelle bien jeune !
Le CEP était un diplôme qui permettait d’entrer dans la gendarmerie, les postes etc…
La vie a l’école
La devise aurait pu être :
RESPECT – DISCIPLINE – TRAVAIL.
En arrivant le matin nous allions ranger le cartable à notre place. En passant près du pupitre du maître, nous regardions le cahier des punitions, suite à la correction des différents devoirs. Ce cahier était ouvert et placé bien en évidence, intentionnellement
Et là, nous savions si la journée allait être bonne ou mauvaise.
Pour chaque faute, le mot correct devait être copié 10 fois sur l’ardoise. Les devoirs à refaire sur le cahier de brouillon, le tout après la classe et à l’école, puis présentés au maître même lorsqu’il était au jard