Lors de la période révolutionnaire, le 5 février 1794, au plus fort de la terreur, la France déclara la guerre à l’Espagne royaliste. Celle-ci engagea 20 000 hommes dans une grande offensive sur la Bidassoa. Les Basques incorporés dans les Chasseurs basques, très inférieurs en nombre, opposèrent une résistance passive, car le Pays basque n’était plus en phase avec les idées révolutionnaires et, dans la nuit du 19 au 20 février, à Itxassou, 47 Basques désertèrent. Les communes de Sare, Ainhoa et Itxassou furent déclarées « infâmes ». Une partie des habitants de ces villages furent déportés et internés dans les Landes et leurs biens saisis, tandis que d’autres se réfugièrent de l’autre côté de la frontière en attendant la fin de la Terreur. Ces derniers étant considérés comme émigrés, leurs biens furent mis sous séquestre. L’abbé Haristoy indique un chiffre de 271 arrêtés puis incarcérés dans les prisons de Bayonne et des Landes.
Après la chute de Robespierre, le retour des exilés devint effectif le 1er octobre 1794. Une étude de Miguel de Gorostarzu, parue dans un Bulletin du musée basque en 1927, donne une liste nominative de 202 habitants d’Itxassou ayant émigré en Espagne, avec leurs professions. A cette liste établie par la municipalité d’Espelette, l’auteur précise qu’il convient d’ajouter 9 personnes, portant ainsi le nombre total à 211.
On ne sait si certains Itsasuar (habitants d’Itxassou) furent déportés comme d’autres dans le Gers ou les Hautes-Pyrénées, mais nous savons qu’une bonne partie fut internée à Capbreton dans l’église où il y eut plusieurs décès. D’autres périrent dans le presbytère de Tosse où, agonisants, ils avaient été transportés.
Personnes condamnées à mort ou exécutées :
– Gracieuse ou Gachina Heguy, épouse de Pierre Causseron, cordonnier : condamnée à mort pour avoir tenu des propos inciviques et contre-révolutionnaires et avoir soutenu les déserteurs. Elle se déclara enceinte et il fut sursis à son exécution.
– Domingo Garat dit Taulo, aubergiste, condamné à la peine capitale pour avoir servi un repas à des réactionnaires.
– Jean ou Manech Etcheverry, âgé de 23 ans, exécuté le 13 mars.
Toujours au XVIII° siècle, il convient de saluer l’initiative très avant-gardiste du curé d’Itxassou, l’abbé Joseph-Etienne Harambillet, qui organisait le crédit en pays rural. Il recueillait toutes les économies des laboureurs, et en quelques années, il constitua un capital de 16000 livres sur l’ensemble de la paroisse. Il fut ainsi amené à gérer bien des drames. D’autres religieux eurent une démarche similaire en Labourd.
L’église, sans doute du XVII° siècle, est dédiée à saint Fructueux de Tarragone. Le porche et les galeries datent de 1670. Le cimetière abrite de nombreuses stèles discoïdales et tabulaires.
Les exils pendant la Révolution
Le curé d’Itxassou, Etienne-Joseph de Harambillet, fils de notaire, était âgé de 67 ans à l’époque de la Révolution. Il était fortuné et possédait des biens familiaux. Pendant 4 mois, il échappa à la vindicte des sectaires (P. Haristoy). Le 10 février 1793, il fut arrêté et conduit à dos de mulet à Pau, puis relâché et arrêté de nouveau. Il fut libéré en novembre 1794 et rejoignit Itxassou. Tous ses biens avaient été saisis. Dans la nuit du 27 au 28 juillet 1795, des voleurs pénétrèrent dans sa maison et lui dérobèrent entre autres une médaille romaine en or qu’il avait trouvée sur le Mondarrain.
En 1796, ses terres lui furent rendues et il put payer ses dettes, lui qui avait été habitué à une vie facile auparavant. Il décéda à Itxassou en 1808.
L’abbé Dominique Subibure, son neveu, lui succéda mais il dut très vite se cacher en Espagne. Il décéda à Gaztelu d’un mal subit.
Les deux vicaires, les abbés Martin Hardoy et Jean Berhouet, suivirent leur curé en exil. A leur retour, l’abbé Hardoy devint curé de Cambo et l’abbé Berhouet revint à Itxassou de 1796 à 1802.
L’abbé Joandarraints, natif d’Urrugne, successeur de Subibure, prêta le serment conventionnel mais ne prit pas possession de son poste et préféra émigrer en Espagne. L’abbé Joundarraints devint curé d’Itxassou à son retour d’Espagne.
Le clergé paroissial, avant de quitter la France, prit ses précautions pour protéger le trésor de l’église offert par Pierre d’Etchegarray (croix, ostensoir, calice et ciboire en argent massif richement dorés et émaillés de pierres de diverses couleurs). Il le confia à l’instituteur de la paroisse, Pierre d’Ihaour.
Ce dernier, pour plus de sécurité, informa du secret le notaire Hirigoyen d’Etcheverry et l’autre instituteur, Oxandabaratz. Une indiscrétion amena à l’arrestation d’Ihaour et à sa torture par le feu. Mais il garda le secret du lieu où il avait caché le trésor et fut relâché. A la réouverture des églises, il porta en triomphe le riche trésor qui réintégra l’église. La paroisse reconnaissante lui attribua la charge de sacristain à vie.
En 1763, le roi avait anobli les biens de Dominique de Harader à Itxassou. Ce dernier décéda en 1789 et ses fils lui succédèrent : l’aîné, militaire, ne vint que de temps en temps à Itxassou et émigra en Angleterre, le second, dit Le Chevalier, fut guillotiné en l’an II. Le troisième, Hyppolite, émigra en Espagne en octobre 1793. Ses biens furent confisqués au profit de la nation et affermés en 1793.
Les troubles de l’an V de la République
La bande d’Ustaritz ou du Carrosse fit parler d’elle dès décembre 1795. A cette époque-là, plusieurs propriétaires d’Itxassou sont attaqués par des brigands qui tirent des coups de feu sur leurs maisons pour les faire évacuer (Bordabeltz, Jauretchia, Fagaldia) et les pillent. Un mois de terreur va toucher la région de Cambo, Espelette, Itxassou et Ustaritz en octobre-novembre 1796. Le 27 octobre, fusillade à Larraldegaraya d’Itxassou où 100 pieds de vigne sont coupés. Quatre jours plus tard (10 brumaire), pillage de la maison Troucouyarenea en limite de Louhossoa et d’Itxassou, au bord de la Nive. Le 14 brumaire, la veuve de Pierre Sabaloi, Jeanne Marie Cadassy, est attaquée dans sa maison Predorenea du quartier Gibelarte. Elle est blessée et dépouillée de ses bijoux et de son argent. Cambo est régulièrement pillé, et à Itxassou, c’est au tour des maisons Iriberria et Garatia. Puis ce fut l’affaire Jean Mondutegui, Président de la commission instituée en 1794 qui prit une part active à la déportation dans les Landes. Les Basques n’avaient pas oublié les malheurs dont il était responsable. La bande pilla sa maison et l’exécuta, et cela ne souleva pas l’indignation du voisinage mais sa mort incita les autorités à une répression. Le repère des brigands était connu, c’était la ferme Alzuyeta à Itxassou.
Le 28 brumaire, les Chasseurs basques cernèrent la maison et arrêtèrent 17 personnes dont 6 femmes. D’autres arrestations eurent lieu les jours suivants.
Sur 43 prévenus, seuls 16 furent jugés, à Tarbes et en 3 jugements : François Dermit, de Saint-Pée, fut acquitté et libéré. Furent condamnés à 24 ans de fer : Martin Saint Martin, laboureur, et son frère Martin Saint Martin gazte, Domingo Etcheverry, tous trois d’Itxassou, Arnaud Latsalde de Larressore, laboureur, Gratien Alfaro de Baigorri, tuilier, et Pierre Berberie des Aldudes, laboureur, habitant La Bastide Clairence. Martin Darribidart de Chantarin, Martin Jaureguiberry d’Alzuyeta et Betiridassiots de Bordabels, les 3 d’Itxassou, furent acquittés. Trois furent condamnés à 22 ans de fer : Manech Saint-Jean d’Espelette, Joannes Uheratouya d’Itxassou, et Esteben Hirigoyen d’Itxassou. Trois autres d’Espelette furent condamnés à mort : Joannes Duralde, André Dioné, et Manech Lecumberry.
La bande était-elle composée de brigands ou bien de personnes désirant une vengeance politique ? Pour Itxassou, quelques commentaires entendus lors des procès : A Dituhurbide, à qui ils avaient dit qu’ils n’étaient pas des voleurs : « Nous voulons t’assassiner parce que tu t’es mal conduit lorsque tu étais officier municipal ». A Johannes Diart, ils disent : « Bon serviteur de la République, c’est avec nous que tu auras affaire ». A Martin Duhart, prêtre assermenté : « Pourquoi as-tu prêté le serment ? ». Les fermes Anchondoa et Doudinenea étaient occupées par des membres de la famille de Martin Bidegain, agent municipal au moment des pillages.
Plusieurs autre fermes furent pillées (voir chapitre Au fil des quartiers).
Nous reprendrons la conclusion de Robert Poupel, qui a réalisé une étude complète sur ces faits :
Au Pays basque, ce n’est que minorité qui avait accepté les principes prônés par la Révolution. Et cette minorité appartenait à la classe aisée, à la bourgeoisie. Mais l’ensemble du peuple était restée attachée au catholicisme traditionnel des Basques et avait souffert de l’exil que s’était imposé une bonne partie du clergé. A la veille de la Révolution, le Pays basque était resté à l’écart du renouveau économique. Cela a entraîné une grande misère à laquelle s’était ajoutée la conscription et deux années de guerre avec l’Espagne. Encore une fois, il n’est pas question d’excuser les méfaits dont s’étaient rendus coupables des gens qui s’étaient mis hors la loi ; mais avant de les condamner il me semble qu’il était juste d’essayer de les comprendre, de voir quelles étaient les raisons qui avaient pu les amener à se mettre en marge de la société.
Association Jakintza – Itxassou