Oser pour s’affirmer

Durant l’année 1941, je fais partie du cours supérieur et je passe pour un bon élève. Je conserve cependant une grande timidité et de nombreux complexes devant l’assurance manifeste de mes camarades. Je prends conscience que je ne dois plus accepter cet état. Une occasion va se présenter je vais la saisir pour m’affirmer.

 Nous sommes en temps de guerre, beaucoup d’enseignants sont mobilisés ou prisonniers, les classes sont surchargées. Ma classe qui comporte plusieurs cours est sous la férule, le mot n’est pas trop fort, d’un instituteur rapatrié de l’est de la France. Il est autoritaire et caractériel. Sa principale spécialité est la baguette de punition qu’il administre très souvent, avec sadisme, sur les bouts des cinq doigts de la main. Cette punition est aussi vexante que douloureuse.

Un lundi matin, mon cours vient de recevoir le texte d’un devoir à rédiger. L’instituteur se trouve à l’autre bout de la salle.

Trois de mes camarades engagent leurs commentaires sur les activités du dimanche. Peu à peu la conversation s’anime pour devenir brouhaha. Du fond de la classe l’instituteur perçoit le bruit et crie d’une voix de stentor ‘Silence !’. Mes trois camarades plongent leur tête dans leurs cahiers. De mon côté ne participant pas au dialogue je relève la tête et mon regard croise celui du maître d’école. Celui-ci persuadé de ma culpabilité se précipite sur moi, brandissant sa baguette de combat.

Je ne suis pas coupable, j’ai horreur de l’injustice et je n’apprécie pas la méchanceté de cet homme. Parvenu près de moi, il va me frapper. Le fixant droit dans ses yeux, je me lève comme un ressort, je lui arrache sa funeste baguette, je la casse sur le rebord de mon pupitre et lance les deux morceaux par la fenêtre ouverte en lui disant d’un ton triomphant ‘Allez vous la chercher !’.

La classe retient son souffle, prête à m’applaudir car par un des siens elle vient de se venger d’un tyran. Il est livide, sa bouche forme un rictus, il écume de rage et me dit ‘Dehors !’.

Je me dirige lentement vers la sortie dans un silence de cathédrale, savourant mon geste, fier d’avoir eu l’audace de le braver. En pensant avec nostalgie à mon ancien instituteur, si bon et si compréhensif, qui n’avait pas la même pédagogie.

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