C’est une rue sur laquelle le temps n’a pas de prise….cinquante ans après, elle a toujours les mêmes façades dont les crépis cloqués dessinent les pays ou je voyageais enfant et ses pavés aux rondeurs chaotiques ont toujours leur sueur grasse des jours de pluie….
Aux mêmes heures du jour, le soleil continue à y découper inlassablement un théâtre d’ombres que je croyais disparu à jamais….le temps ici n’a plus le même sens…le passé est là et l’enfance au coin de la rue !
C’était hier et je jouais devant ces maisons dont les couloirs exhalent toujours leur haleine de malade……
C’est aujourd’hui et l’on va m’appeler pour mon quatre heures : le coin du toit est déjà dans l’ombre : c’est le signe !
C’est maintenant et j’entends les cris des enfants brutalement libérés dans la cour de l’école, les graviers qui giclent sur le portail de fer et, la haut, le ballet bruyant des martinets …..
Je connais tous les recoins de la rue : l’épicier, le coiffeur, le tabac sont là….sont là dans ma tête…, mais plus dans ma rue !
L’écorce est la même, mais plus le fruit !
Un jour, je le sais, revenant dans ma rue je ne retrouverai rien!
Un jour, on aura changé l’écorce….et ce jour là, sans que personne ne s’en émeuve l’enfant qui est encore en moi sera mort …!