J’ai été élu conseiller municipal de LEES ATHAS en mars I965 et maire en 1971;
J’ai cessé mes fonctions en 2001.
Issu d’un milieu agricole, élevé dans ce milieu, j’ai toujours vécu au contact des hommes et des femmes de la terre dont j’ai partagé les joies et les peines, les regrets et les espoirs.
LEES-ATHAS village de montagne de la vallée d’Aspe a toujours eu une vocation pastorale et agricole bien assise.
La structure agricole a une particularité propre à la vallée d’ASPE qu’on ne retrouve pas ailleurs. Elle est scindée en deux parties.
Le siège se situe généralement au village avec l’habitation, l’étable et la bergerie. La majorité des terres de l’exploitation se trouve autour des bourgs de LEES et d’ATHAS.
L’annexe de l’exploitation complément indispensable se situe plus haut dans les quartiers de PETRAUBE, de BOUEZOU et dANITCH.On y accède par des sentiers muletiers et seul le traineau ou » trace » permet le transport du foin ou de la fougère. Ce lieu se dénomme » BORDE ». On y trouve une habitation modeste de deux pièces avec cheminée et une grange à la fois étable et bergerie. C’est là que le berger et le troupeau séjournent au printemps avant de gagner l’estive et à l’automne lors de la descente.
C’est là aussi qu’en été nous montions faire les foins et le regain. Avant l’arrivée de la motofaucheuse toutes les pentes étaient fauchées à la main.Travail très pénible.
Ce lieu de vie et de travail est distant de 5 à 8 kilomètres du village. On y accède à pied ou à dos de mulet confortablement installé sur la selle et la « sacole »garnie de provisions, de linge ou de vêtements. Il n’est pas rare de voir une caravane de cavaliers prenant le matin le chemin des bordes.Les montures cheminaient côte à côte ou à la queue leu leu et les bavardages allaient bon train.Les jours de pluie, on s’installait sous le grand parapluie bleu à l’abri duquel nous lisions le journal. Les femmes assises en Amazone tricotaient. Chaque mulet connaissait parfaitement son chemin et s’arrêtait devant la cabane.
Au village, les habitations s’élevaient sur trois niveaux:étable et bergerie au rez de chaussée, logement au 1er étage et fenil au dessus (l’isolation était assurée). La distribution de fourrage se faisait directement du fenil au ratelier par une ouverture parallèle au mur nommée « bouquaou ».
Le logement en règle générale comprenait une vaste cuisine chauffée par la cheminée, trois chambres ouvrant sur la cuisine. Pas d’eau courante, pas de sanitaires.
Le tirage de la cheminée laissait souvent à désirer et, par vent du sud la fumée envahissait la pièce.
Les travaux se faisaient à l’aide de machines à traction animale.La faucheuse, la faneuse le râteau rendaient de grands services pour les parties plates.Une fois sec le foin était emballé dans des toiles solides, chargé sur la charrette et portéau fenil. Pour l’y entreposer il fallait transporter les lourds fagots le long d’un escalier étroit.
Vers les années 1965, 1970 les exploitations étaient nombreuses à LEES ATHAS. On en comptait cinquante. Les plus importantes avaient un cheptel de 12 vaches et 150 moutons et parfois une ou deux juments en plus du mulet irremplaçable pour tracter la charrette et les outils propres à la fenaison. Les tracteurs de l’époque étaient bien le mulet mais aussi les attelages de vaches.
Chaque foyer avait ses prairies de fauche mais aussi son champ de maïs, ses champs de blé et de pommes de terre. Depuis longtemps les vignes qui s’étageaient sur les terrains des anaques les mieux ensoleillés s’étaient raréfiées puis avaient disparu. Cette polyculture où se mélaient le vert tendre le jaune et le vert foncé ressemblait à un magnifique damier.
Les travaux, même les plus pénibles s’effectuaient dans la bonne humeur.Toute la famille y participait et, quand venait la saison des semailles ou des récoltes l’entraide jouait à plein et ces rassemblements se terminaient par de bons repas conviviaux qui resseraient les liens entre voisins.
Durant la guerre de I914/1918 et celle de 1939/1945 de nombreux agriculteurs morts pour la France ne sont pas revenus. Ce fut une véritable hémorragie.
A partir des années 6O, beaucoup de jeunes filles fréquentent le cours compémentaire de BEDOUS, obtiennent le BEPC et un concours pour accéder aux PTT, au Trésor Public ou à l’école normale, d’autres poursuivent leurs études au collège d’OLORON. Elles sont perdues pour l’agriculture.
Après le certificat d’études les garçons restent à la ferme et apprennent sur le tas le métier de berger ou d’agriculteur. Rares sont ceux qui à l’époque ont bénéficié d’un enseignement agricole.
A l’âge de fonder un foyer ces jeunes ne se marient pas. Les filles ne souhaitent pas suivre l’exemple de leur mère.
La plupart restent donc célibataires et, c’est le célibat qui est en grande partie responsable de la disparition de nombreuses exploitations agricoles.
Secondé par ses parents le jeune célibataire va poursuivre les travaux de la ferme jusqu’à l’âge de la retraite. Sachant qu’il n’aura pas de succession il n’entreprend pas les travaux de modernisation qu’il aurait faits marié.
Ce scénario se répète dans beaucoup de maisons. Année après année, les exploitants partent à la retraite, vendent leur cheptel et confient leurs terres à des voisins plus chanceux.
A LEES-ATHAS comme ailleurs la municipalité a multiplié les efforts pour essayer de contenir cette nouvelle hémorragie. Un vaste programme de désenclavement des fermes s’est mis en place. Toute les bordes ont été désenclavées. Chacune est désormais accessible par un chemin le plus souvent goudronné. L’éclairage public dessert toutes les granges.Des adductions d’eau sont réalisées. Dans le village des réseaux d’assainissement sont installés. Chaque maison peut accéder au confort.
Dans les estives, les cabanes pastorales sont rénovées et mises aux normes européennes. Le berger aura un logement décent et un laboratoire pour fabriquer son fromage.
La motoculture remplace les vieux outils. Chaque paysan acquiert son tracteur et les outils qui vont avec. Une seule personne peut effectuer les travaux les plus contraignants.
Tous ces effotrts seront vains. Le célibat a fait ses ravages au sein de l’agriculture et sur les cinquante expoitations dénombrées en 1970 il en restera six à Lees-Athas et beaucoup moins dans les autres villages de la vallée.