Dans les années 50, les foins se faisaient entièrement à la main. Papa accompagné de mes deux grands frères se levaient à 4 heures du matin et après un petit déjeuner partaient « à la fraîche » avec leurs faux. Décalés chacun par la largeur de leur outil, ils avançaient papa en premier puis mes deux « grands frères ». L’herbe tombait au rythme de leur marche et j’aime à me souvenir de geste ample et régulier de leurs faux. Et l’odeur de cette herbe encore humide de rosée et tendre !!! Surtout il fallait éviter qu’elle soit trop sèche sinon selon papa, elle perdait de sa valeur nutritive.
Sitôt fini, ils rentraient et se prenaient un bon casse – croûte : café, œufs et lard fumé cuit à la poêle.
Le soleil séchait l’herbe et vers 10 heures nous allions, armés de nos râteaux à la main, faner le foin, c’est – à – dire retourner l’herbe.
Même principe l’un décalé derrière l’autre et chacun y allait de son coup de râteau. Mon frère Daniel n’aimait pas du tout çà. Alors, à chaque coup de râteau, je l’entendais derrière moi répéter « quel métier de fou ». Maman le réconfortait. On retournait le foin deux ou trois fois dans la journée.
Puis le soir, si le temps l’avait permis, nous ramassions le foin que nous mettions en andains. Papa arrivait avec le plateau tiré par un bœuf. Je montais alors sur la plateau pour ranger le foin suivant un ordre bien établi par papa. Mes frères et lui me passaient leur fourche pleine de foin que je devais prendre et rouler puis disposer l’une après l’autre de part et d’autre du plateau. Lorsque la charrette était pleine, papa me passait une perche que je devais fixer à l’avant de la voiture sous une échelle puis papa à l’aide d’une corde serrait. Ainsi le foin était bien tenu en place. Nous rentrions alors à la maison ; mais il fallait ensuite décharger la voiture pour rentrer le foin au grenier.
Nous, les plus jeunes devions ranger les brassées le foin. Mes frères et papa, l’un sur la charrette, les deux autres dans le grenier à divers endroits nous passaient leur fourche de foin que nous prenions alors pour le mettre en place et nous devions le tasser. Pour nous, cela devenait un jeu. Nous sautions dans le tas.
Quand le grenier se remplissait bien sûr ça devenait beaucoup plus amusant. Nous montions alors à l’aide d’une échelle sur les poutres du grenier et de plus en plus haut nous sautions dans le foin. C’était pour nous notre moment de joie et de jeu car c’était à celui qui sauterait de la plus haute poutre.
Puis les machines sont arrivées et ont remplacé les bras. D’abord la faucheuse et la faneuse mécanique puis à moteur. J’avais dix ans. Nous n’avions pas beaucoup d’argent mais j’ai vécu une enfance heureuse et pleine de souvenirs.
J’aimais aider à la ferme et ma récompense était des vacances chez ma grand’mère maternelle à Bussang. Là aussi pleins de bons souvenirs.
Ah, j’oubliais ; je suis née dans les « Hautes – Vosges » dixit papa avec l’accent, dans la vallée de la Moselle.