Les écoles rurales avant Jules-Ferry
Sous l’Ancien Régime, il n’existait pas de cadre administratif particulier pour l’école. L’enseignement était dispensé dans la plus grande confusion. Beaucoup de ces écoles avaient un fonctionnement saisonnier, le nombre d’enfants présents variant dans des proportions considérables au gré des loisirs laissés par le rythme des travaux des champs.
Ces écoles étaient souvent éphémères, disparaissant lorsque le coût de la vie dévalorisait les rentes créées par les testaments et les fondations pieuses, ou en fonction du devenir des personnalités qui les animaient. Il existait dans certaines régions des écoles publiques entretenues par des villages et des communautés d’habitants ; mais le plus souvent l’éducation scolaire était une prérogative et une mission dévolue au clergé. Les autorités religieuses étaient très attentives à y faire prévaloir l’enseignement de la foi.
Dans ces petites écoles rurales, face à un groupe d’enfants d’âges variés, le « régent » pratiquait une pédagogie individuelle rudimentaire. Chaque élève, à tour de rôle, venait épeler sur le recueil de psaumes ou réciter un morceau d’oraison, pendant que ses camarades travaillaient à l’unique table d’écriture, ou s’adonnaient à des activités bruyantes auxquelles le maître tentait de remédier par quelques châtiments corporels. Passée la lutte contre la Réforme (début XVII° siècle), la formation des élites retient seule l’attention.
Le concept d’association lecture-écriture-calcul était étranger à l’héritage culturel. Les matières enseignées étaient fonction de la catégorie sociale de l’enfant.
Pour les nobles, qui bénéficiaient de la présence d’un précepteur, l’écriture n’était pas une discipline valorisante ; cette tâche manuelle, ingrate, était dévolue aux greffiers, aux prêtres… qui enregistraient par écrit les informations administratives. Le calcul était réservé à l’usage commercial.
La Révolution française lança le principe d’une école publique généralisée, laïque et gratuite, mais ne réalisa pratiquement rien de concret dans un contexte tumultueux et avec la multiplication des urgences.
L’Empire et la Restauration ne s’intéressèrent pas à l’école primaire. Napoléon 1er s’intéresse surtout à l’enseignement secondaire qui doit lui fournir les cadres indispensables à son armée et à son administration.
Sous la Restauration, les français sont peu motivés ; la famille constituait une entité économique que la présence des enfants à l’école et non aux travaux domestiques mettaient en difficultés financières.
L’école publique obligatoire et gratuite : la rivalité Enseignement public – Enseignement religieux
C’est la Monarchie de Juillet (1830-1848) qui commence réellement à promouvoir l’enseignement primaire.
La loi Guizot mit en place pour la première fois une politique d’ensemble pour l’enseignement primaire public. Elle imposait la création d’écoles de garçons, toujours confessionnelles et non obligatoires, mais publiques et assumées par les communes. C’était la fi du quasi-monopole des institutions religieuses à la campagne. Cet enseignement n’était ni obligatoire, ni gratuit, sauf pour les indigents, mais c’était le premier pas vers l’alphabétisation des masses.
Écoles publiques (mais non laïques) et confessionnelles coexistèrent, puis les tensions apparurent avec l’installation du régime républicain dans les années 1870. L’État voulant affirmer ses prérogatives se heurta inévitablement à l’Église qui considérait que l’enseignement demeurait une de ses missions traditionnelles et qu’elle devait, sinon le gérer, du moins le contrôler.
Œuvre de charité et de propagation de la Foi, ou devoir d’État ? Congrégations enseignantes d’initiative privée ou service public ? Le débat, sur le plan national comme sur le plan local, avec des périodes successives d’acuité et de calme, dura deux siècles. Les années 1880 sont marquées par des changements fondamentaux dans le système éducatif français.
Jules Ferry rend l’école laïque, obligatoire et gratuite. La loi instaure un enseignement obligatoire de 6 à 13 ans, les enfants pouvant toutefois quitter l’école avant cet âge s’ils ont obtenu le Certificat d’Études Primaires.
Désormais morale et instruction civique remplacent l’éducation religieuse. La prière du matin s’efface à leur profi dans les écoles publiques. Tous les instituteurs publics ou privés doivent avoir au minimum le Brevet Élémentaire.
À partir de 1886, seul le personnel laïc a la droit d’enseigner. Il est prévu de remplacer les institutrices au fil des postes vacants par des instituteurs.
L’école devient alors un ascenseur social pour tous les enfants d’ouvriers et d’agriculteurs qui accèdent à l’éducation. Les instituteurs sont la cheville ouvrière de ce système, qui tient grâce à cette croyance dans un progrès social grâce à l’école, dont ils se font le relais.
L’entre-deux-guerres est marqué par l’essor de l’enseignement technique avec l’adoption de la loi Astier (1919) qui crée des établissements spécialisés. Dans les années 1930, pour les dirigeants, la finalité de l’école est l’égalité de la société. Ils en arrivent même à concevoir que c’est à la société de créer les emplois qui accueilleront les jeunes adultes ainsi formés par le dispositif scolaire. La politique de Vichy innove assez peu en matière scolaire, la période se traduisant plutôt par une forme de réaction. En effet, le secondaire devenu gratuit en 1933 redevient payant, les écoles normales sont supprimées car porteuses des valeurs républicaines. Parallèlement le Conseil national de la Résistance émet le souhait d’une éducation plus intégrée. Le latin perd de l’importance dans l’enseignement pour devenir facultatif.
Après la Libération, et à la faveur des Trente Glorieuses, on assiste à une forte démocratisation de l’enseignement. Le projet Langevin-Wallon sera proposé afin de démocratiser l’enseignement en allongeant la scolarité à 18 ans, en instaurant une pédagogie nouvelle et en élaborant une école unique. Ce projet ne sera pas accepté faute de moyens mais il sera souvent repris en exemple dans les nouveaux projets scolaires. La démocratisation de l’enseignement se fera tout d’abord dans le secondaire, puis à l’université. Les universités françaises, mal préparées à de tels effectifs, tentent de se rénover, notamment avec la construction de centres secondaires. Cependant, ces efforts sont insuffiants et le mécontentement de mai 1968 a pour cause entre autres ces mauvaises conditions d’études.
C’est à cette époque, en 1959, avec la réforme Berthouin, que la scolarité obligatoire passe à 16 ans. Celle-ci ne sera appliquée qu’en 1971. Les collèges deviennent des collèges d’enseignement général (CEG).
L’école de Jules-Ferry
En réglementant et en prolongeant l’obligation scolaire, Jules-Ferry assied définitivement la République.
- Premier élément de son arsenal : les bâtiments
Garçons et files ne sauraient être mélangés et avoir des enseignants d’un autre sexe. L’école se construit attenante à la mairie. La lutte entre le curé et l’instituteur commence. L’instituteur, imprégné des idées républicaines, tient à donner une image de dignité à sa fonction et manifeste son anticléricalisme.
- Deuxième élément : le décor et les objets
Tableaux noirs, pupitres, plumiers personnalisés et plumes sergent-major ou lance, bonnets d’âne, bons points, images, lignes à copier en punitions et retenues, deviennent le quotidien de tous les enfants.
Témoignage de Mme Thérèse Irola
L’ardoise devait avoir, bien apparentes sur une face, des longues lignes entre lesquelles il fallait loger et dessiner toutes les lettres de l’alphabet en copiant celles du tableau noir si bien écrites par le maître ou la maîtresse. Sur l’autre face également bien tracés et gravés, des petits carreaux qui recevront chacun un chiffre et un seul pour éviter d’additionner dans la même colonne des unités et des dizaines, conséquence d’un mauvais alignement.
L’ardoise était un modèle d’économie. L’apprenti en écriture pouvait écrire des pages entières pendant des jours et des heures sans dépenser un centime. La maladresse était sans conséquence il suffisait d’effacer puis de recommencer sans garder trace du premier échec. Pour effacer il possédait sur le cadre dans un petit trou deux chiffons, l’un très mince, l’autre plus épais ; le premier servait d’éponge et était trempé dans l’eau chaque matin, le second servait à essuyer. Dans le sac presque vide, l’ardoise avait un compagnon : le paquet de buchettes indispensable pour apprendre à calculer.
Troisième élément : l’enseignement
Sur le plan pédagogique, l’école primaire était le domaine des résumés appris par cœur. L’effort principal portait sur l’écriture sous ses différentes formes (ronde, batarde, cursive…), dans toute sa finesse (avec les pleins et les déliés). Calcul mental, apprentissage du français (grammaire et vocabulaire), histoire et géographie présentées sur de grandes cartes murales complétaient le programme. Les cours de « leçons de choses » traitaient de la faune et de la flore mais également de l’hygiène.
Les règles de politesse ainsi que la morale renforçaient l’éducation familiale. Récompenses et punitions traduisaient les efforts consentis tout au long de l’année : inscription au tableau d’honneur ou images pour les meilleurs, bonnet d’âne sur la tête du cancre mis au coin ou obligé de le porter dans la cour de récréation sous les quolibets de ses camarades. La règle servait à montrer au tableau mais également à punir les chahuteurs.
Les parents recevaient tous les mois le carnet de notes individuel avec classement pour signature.
L’année scolaire se termine par une très officielle cérémonie de remise des prix. Le maire et la municipalité au grand complet y assistent. On y déploie tous les flonflons possibles et chaque lauréat est accueilli par quelques accords musicaux avant de se voir remettre son prix par une autorité.
À bien des égards, l’institution scolaire est un outil de propagande pour la République. Grâce à elle, une même langue est parlée partout. Le glas des patois et des dialectes a sonné. Il en sera de même pour la langue basque.
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Extrait du Guide Patrimonial, édité par l’association Mouguerre Patrimoine et Culture