Les douaniers avaient le devoir de faire appliquer la loi française et de traquer les contrebandiers, souvent dans la montagne et en pleine nuit ; ces mêmes contrebandiers qui étaient parfois leurs voisins ou leurs amis ou leurs cousins !
Etymologie du mot « douane »
L’origine du mot « douane » vient du persan diwan qui désigne un recueil de feuillets reliés, un registre. Chez les Turcs c’était l’endroit où étaient examinés les registres et pour les Arabes le bureau réservé à l’Administration. Dans ces bureaux. les personnes devaient être accueillies confortablement sur des sièges bas pourvus de coussins : le divan.
Le terme dohanne apparaît dans la langue française en 1251 puis doana et doane en 1441.
Au départ. il désignait l’édifice où l’on percevait les droits d’entrée et de sortie des marchandises puis au XV° siècle. le mot désigne à la fois l’édifice où étaient perçus les droits et taxes et les services administratifs qui étaient chargés de les mettre en place. Le dohannier devient douannier en 1545.
L’organisation de la douane
Aux XV° et XVI° siècles. l’affermage était le plus fréquent. En 1598, Sully confia à une seule ferme au lieu de cinq la perception des droits levés dans le groupe des provinces soumises aux droits du roi. Il essaya d’uniformiser les pratiques administratives dans l’ensemble du royaume mais son idée ne fut pas adoptée.
Lorsque Colbert arriva au pouvoir. il découvrit une diversité de taxes difficilement explicable. Deux ordonnances codifièrent et précisèrent le droit douanier en 1681 et en 1687.
A la veille de la Révolution, presque tous les droits de Traite et autres droits indirects y compris la fameuse gabelle, impôt sur le sel, étaient affermés par bail de 6 ans a une compagnie de financiers, la Ferme générale.
En province, elle comprenait 42 directions avec près de 25 000 agents appartenant à deux branches d’activité : celle des bureaux qui vérifiait et percevait les taxes, celle des brigades qui réprimait la contrebande et qui surveillait les frontières.
Les employés de la Ferme n’étaient pas des fonctionnaires royaux mais agissaient « au nom du roi », ce qui les protégeait vis-à-vis de la loi. Après la Révolution naquirent les douanes modernes. Les barrières intérieures furent supprimées ainsi que la gabelle du sel.
La Ferme générale fut nationalisée et ses effectifs ramenés à 15 000 hommes. Le nouveau service constitua une régie puis une administration d’Etat. Avec les guerres, les Etats devinrent protectionnistes. Aux 130 départements de I’Empire furent affectés 35 000 douaniers.
A la chute de Napoléon 1er, le protectionnisme assura à la douane une place de premier plan.
La surveillance se renforça dans le rayon d’action des douanes (20 km) mais aussi à l’intérieur du territoire. Les effectifs de la douane s’accrurent.
Les agents des brigades étaient casernés, armés et portaient l’uniforme.
Après la Première Guerre mondiale, le retour en force du protectionnisme rendit à la douane l’importance qu’elle avait en partie perdue avec la promotion du libre-échangisme prôné par la Société des Nations. L’entrée de l’Espagne dans la communauté européenne allait entraîner l’effacement de la frontière et le service des douanes a dû s’adapter aux temps modernes.
Les douaniers à Basseboure
Itxassou et les douaniers
Un grand nombre de postes de douane a existé au cours du XX° siècle au Pays basque et chaque commune avait ses douaniers. Au fil des ans, beaucoup de ces postes ont disparu ou ont été regroupés. La direction régionale a toujours été située à Bayonne, avec une succursale à Cambo.
A ltxassou, trois postes de douane existaient du XIX° siècle au début du XX‘ siècle. Quant aux familles des douaniers, elles vivaient dans des maisons louées.
• Au bourg, le bureau des douanes se trouvait dans la maison Etchechuria.
• A Basseboure, la maison lthurchoko servit de caserne de douanes jusqu’en 1919. Le brigadier et le sous-brigadier étaient logés à Espelette dans la ferme d’en face. En 1904. il ne restait que 2 douaniers.
• A Laxia, la maison Elizabidia servait aux douanes en 1805 et Christophe Jost y était sous-brigadier.
De nombreux douaniers ont épousé des jeunes filles d’ltxassou et sont restés dans la région.
La caserne des douanes de Laxia
La première mention douane dans la commune date d’avant la Révolution où un douanier du nom de Michel Morin en plus de la surveillance de la frontière exerçait ses talents de perruquier. Le livre de comptes du curé Harambillet fait état des services reçus par ce figaro : 18 livres par an pour poudrer et accommoder de temps à autres les catogans et ailes de pigeons du curé, 30 livres pour le raser et 24 livres d’étrennes pour lui servir de baigneur.
La maison Todoenia fut souvent louée à des douaniers et en 1755-56, elle abritait la famille de Firmin Dorregaray, commandant de la brigade d’ltxassou. Alchartia aussi fut longtemps occupée par des douaniers à Laxia.
En 1795, une lettre dit que les fermiers généraux avaient fait construire à ltxassou une maison pour la perception des douanes au temps de la franchise du port de Bayonne et du pays de Labourd, sur un terrain concédé gratuitement par le sieur de Zubeleta. Ce bureau étant devenu inutile depuis la suppression de la franchise, le département décida de rendre son bien au sieur de Zubeleta à condition qu’il paie les matériaux de la maison.
Un peu plus tard, les préposés nationaux ou impériaux offraient aussi leurs services comme métayers.
Liste des douaniers sinistrés après les événements de 1813-1814 : Jean Hirigoyen (lieutenant), Dominique Mapomier (sous-lieutenant), Jean Haramboure, Joseph Dupuy, François Langrace, et Jean Etcheverry-Chourra (préposés).
Sommier d’Henri-Joseph Bertrand (arrière-grand père de Guy Lalanne)
sous-brigadier en poste à Basseboure-Itxassou de 1874 à 1882
Quelques délibérations concernant la douane
1er novembre 1846. Le maire a donné lecture du courrier du sous-préfet ainsi que de la pétition jointe adressée par dix habitants de la commune à ce magistrat. Ces pétitionnaires offrent de répondre à la commune de toutes les dépenses qu’elle pourra être contrainte de payer en renouvelant avec la vallée de Baztan les faceries ou pactes de bon voisinage rompus tout récemment à cause d’un excès de sévérité de notre douane. Les pactes sont relatifs au parcours à l’extrême frontière des troupeaux des deux pays. Le conseil a décidé d’approuver la demande des dix pétitionnaires. Il a autorisé le maire à renouveler sur les mêmes bases, celles de 1820, les pactes de bon voisinage ou faceries.
Les dix propriétaires se rendent par un contrat obligés à l’égard de la commune de tous les frais et dépenses qui pourront lui survenir à la suite de ces pactes.
Le 19 février 1905. Le maire expose que les habitants des quartiers de Berandotz, Ortcia, Laxia et Guibelarte sont venus plusieurs fois le trouver pour se plaindre de l ’éloignement du bureau des douanes de la commune dont ils dépendent. Chaque fois qu’ils veulent amener du bétail au marché, ils sont obligés défaire douze kilomètres pour aller chercher le passant de mise en circulation et douze kilomètres pour retourner chez eux. Il est délibéré que le maire attire l’attention de l’autorité administrative compétente pour qu’elle veuille autoriser, par le brigadier des douanes de Laxia, la délivrance des passants pour la mise en circulation de leurs bestiaux en pacage dans la zone extérieure mais seulement la veille et le jour de marché d ’Espelette, qui a lieu tous les quinze jours et le samedi de chaque semaine pendant l’époque de la vente des agneaux.
1er février 1931. Le maire explique que la direction des douanes de Bayonne a étendu la zone douanière dite zone extérieure, dans laquelle le pacage, la détention et la circulation des animaux sont soumis à des formalités particulières, acquit à caution, de pacage. passavants de circulation, recensement, etc.
Cette extension de la zone est motivée uniquement par la suppression du poste des douanes du quartier de Basseboure, qui englobe le chemin d’intérêt commun n° 19 reliant les communes d’Ytxassou et d’Espelette, et va obliger les propriétaires et les métayers dont les terres situées de chaque côté du dit chemin à se soumettre à leur tour aux formalités douanières susmentionnées. Le service local des douanes a exigé la déclaration immédiate des animaux existants dans les propriétés et les fermes comprises dans la nouvelle extension de la zone douanière. Ces mesures entraînent pour les cultivateurs de multiples inconvénients et elles retardent les travaux journaliers rendus très difficiles à cause du manque de main d ’œuvre agricole qui se fait sentir de plus en plus dans la région. Des protestations ont émané de la population agricole mais aussi de tous les négociants, les maquignons qui empruntent le chemin n° 49 pour se rendre dans les marchés de Saint-Jean-de-Luz, Saint-Pée, Hélette, Irissarry, Ossès, Baïgorry, etc. Tous les jours de la semaine se tient un marché dans l’une ou l’autre de ces localités. Le conseil demande le retrait de la décision de l’administration des douanes. Le maire doit donner satisfaction aux habitants.
29 juillet 1934. « En réponse à votre lettre du 17 juillet courant relative à la suppression de la recette des douanes de la commune et à son remplacement par un bureau annexe tenu par le brigadier des douanes et ouvert de 9 à 11 h, les jours ouvrables seulement, j’ai l’honneur de vous rendre compte que cette transformation va entraîner pour les usagers que j’ai réunis un surcroît d’assujettissement contre lequel ils sont unanimes à protester. Le principal grief qu’ils font à la nouvelle mesure c’est que les deux heures journalières d’ouverture du bureau ne paraissent pas suffisantes. Plusieurs exploitations agricoles soumises au régime douanier sont situées à plus de cinq kilomètres du bureau, en pleine montagne et c’est le plus grand nombre. Ils demandent que le bureau soit ouvert pendant quatre heures par jour, de 9 à 11 h et de 15 à 17 h, les jours ouvrables. »
25 novembre 1934. Le maire donne lecture du courrier qu’il a fait au directeur des douanes : « En réponse à la lettre du 5 novembre courant relative à la fermeture pendant certaines heures du chemin légal du bureau des douanes de la localité, j’ai l’honneur de rendre compte que je n’ai aucune objection à présenter au sujet du tracé de ce chemin légal qui passe par la borde de Larrondoa, Orcazberro, Legarre, le col Amesketa, l’escalier du Mondarrain, les rochers d ’Aguineta et l’escalier de Bourcabela pour aboutir à la borde 77. Je crois nécessaire de proposer que la route légale soit ouverte les jours d’ouverture du bureau, à l’importation de 7 h à 17 h, à l’exportation de 9 h à 19 h ».
21 avril 1935. Location de la cabane de Laxia, 45 F par an, servant de bureau pour la délivrance et le contrôle des passavants du service des douanes. Le propriétaire est M. Larronde Sauveur.
16 novembre 1952. Le service des douanes a remis à la mairie quatre kilos d’oranges pour être distribués dans la commune.
3 juin 1962. Location du rez-de-chaussée de la mairie à l’administration des douanes.
30 mai 1965. Il serait prévu de faire du bureau des douanesle secrétariat de la mairie.
Les ventas
La contrebande, tradition séculaire au Pays basque, appelée Gau lana, le travail de nuit, s’est développée de tout temps de part et d’autre de la frontière.
En zone frontalière, il est normal de retrouver des ventas dès que l’on entre en territoire espagnol. Face à ltxassou, il en existe deux :
La venta Burkaitz
Après avoir accédé au col des Veaux (altitude 575 m), il est possible de franchir en voiture la frontière et de rejoindre sur la droite, à moins d’un kilomètre, la venta Burkaitz d’Ana Mari Etulain. Agnès Riouspeyrous s’y est installée en 1997 en reprenant avec son mari une venta à l’ancienne où les gens achetaient alcool, cigarettes, conserves de première nécessité dans une pièce où ils pouvaient s’attabler, manger et boire.
Lezetako borda
En redescendant du col des Veaux vers le sud par une large piste, on atteint un groupe de maisons constituant la venta Lezetako borda.
Ce nom provient de la présence tout près de là de gouffres à proximité d’une très ancienne bergerie, Uhaldia. La ferme Lezetako borda a été transformée en venta en 1914.
Elle était tenue par la famille Nemours dont le nom bien français laisse à penser que cette famille a pu émigrer à la Révolution. Elle habite depuis deux siècles sur le territoire d’Aritzacun dont dépend la venta. En 1990, un nouveau bâtiment d’habitation a été construit près de la ferme-venta puis, en 2004, une grande salle de restauration y a été adossée : elle accueille les randonneurs mais aussi les automobilistes qui peuvent y accéder depuis ltxassou sur une piste gravillonnée de 1000 m. Chaque année, les anciens du village situé au fond de la vallée et que l’on disait abandonné il y a quelques années se retrouvent en été pour la fête locale.
Les deux ventas ont eu un rôle important lors de la Seconde Guerre mondiale. Elles sont reliées téléphoniquement à la France.
Association Jakintza – Itxassou