J’avais 8 ans.
Au début des vacances de Noël, en 1955, une centaine d’élèves de notre petite école a été invitée au goûter de Noël chez le marquis d’Arcangues, c’est-à-dire dans son château. Nous nous y sommes rendus à pied, bien entendu, accompagnés de nos maîtres et maîtresses d’école. Déjà, au bout d’une grande allée, entourée de bois, cette somptueuse demeure m’a fascinée. Tous impressionnés, nous sommes entrés, en silence, dans un grand hall. Un valet nous a reçus et nous a accompagnés dans une immense pièce, le salon du château. Et ce fut la surprise et l’émerveillement : un gigantesque sapin illuminé et couvert de boules multicolores trônait au milieu de la pièce. Je ne pouvais imaginer de quelle façon on avait pu dresser à l’intérieur un si grand arbre ! Et c’étaient surtout la beauté et le luxe de tout ce décor qui m’avait émue. Du parquet reluisant couvrait le sol et une immense mezzanine tapissée de livres encerclait le salon.
Après avoir dégusté un chocolat chaud et un croissant, nous sommes rentrés chez nous, heureux tout de même de retrouver la chaleur de notre modeste maison. J’habitais dans une petite ferme, située dans le village lui-même, avec mes trois sœurs et mes parents. Ne connaissant que ce petit cocon familial, je ne pouvais imaginer comment des êtres pouvaient vivre dans ces immenses pièces, magnifiques mais en même temps austères.