A l’âge où les enfants ont comme animal de compagnie un chat ou un chien, j’avais un UROMASTIX, un lézard du désert.
Nous vivions à ORAN, pendant la guerre d’Algérie.
Comme récompense scolaire, j’eus le droit d’accompagner mes parents en déplacement à COLOMBECHARD, à la lisière du Sahara.
Après un très long trajet bien monotone en voiture à travers d’immenses étendues d’alfa, je découvris cette petite ville perdue, au pied d’une dune de sable impressionnante. Puis nous avons fait une petite incursion plus au sud jusqu’à l’oasis de TARIT, sorte de forteresse de terre aux murs aveugles complètement repliés sur elle-même pour se préserver des assauts du soleil et entourée de jardins luxuriants. J’ai vu des hyènes hideuses en captivité, un joli petit fennec posé sur le bras d’un légionnaire.
Mais avant de pénétrer dans l’obscurité des ruelles de ce bastion, j’aperçois deux enfants arabes qui s’amusaient, comme avec un ballon, à se lancer un pauvre petit lézard qu’ils tenaient par le bout de la queue ; il relevait sa petite tête et ses deux pattes de devant dans le vide. Prise de pitié, j’eus un mouvement de révolte. Mon père donna aux deux garçons une pièce en échange de sa liberté.
Et c’est ainsi que je me liais d’un amour immense pour ce bébé d’une vingtaine de centimètres à la peau rugueuse et à la queue hérissée de petites épines qui lui servaient à se défendre contre les serpents du désert. Cet animal préhistorique était herbivore et complètement inoffensif.
Je l’appelais TARIT du nom de l’oasis.
De retour à Oran, Tarit fut installé sur notre loggia en plein soleil avec un amas de pierres du désert comme refuge.
Mais il n’était pas sauvage du tout et s’apprivoisa très rapidement :
– Lorsque maman chantait en tricotant assise au soleil, il venait devant elle et dressait sa petite tête pour la regarder charmé par la mélodie. Maman l’était beaucoup moins !
– Je l’avais dressé à faire des numéros de cirque, il montait sur mon épaule et dormait avec moi dans mon lit !
– J ’attendais qu’il soit complètement domestiqué pour le promener en laisse sur le trottoir.
Mais la guerre faisant tant d’atrocités, tous les enfants de la familles furent envoyés en sécurité chez nos grands-parents, à Vidouze dans les Pyrénées… Et je fus séparée de mon petit protégé ; il ne pouvait pas prendre l’avion.
A l’indépendance de l’Algérie, quelques mois plus tard, mon père, avec quelques affaires qu’il avait pu ramener par bâteau, arriva portant une boîte en carton qu’il me tendit. Quelle joie d’y découvrir au fond, MON TARIT !!! .
« Mais il a chaud, il est fatigué, il lui faut la fraîcheur des arbres », voilà l’idée saugrenue que j’eus pour un animal habitué aux conditions extrèmes.
J’ouvris donc la boîte bien grand, laissant les battants dressés pour faire plus de hauteur et la posa au milieu des herbes fraîches pour qu’il s’habitue à son nouveau pays. Je m’absentais quelques instants car on m’appelait. Lorsque je revins…OH STUPEUR GLACIALE !, la boîte était vide.
Je le cherchais aux alentours, j’appelais, je fouillais dans les herbes, dans les buissons, j’appelais, je pleurais, le monde s’écroulait autour de moi ; et la nuit arrivait ! Le poulailler n’était pas très loin ! Quelle angoisse ! Aurait-il eu affaire aux becs de ces montres à plumes mon petit protégé ?
Les jours suivants furent bien tristes !
Encore longtemps après, lorsque je me promenais dans le parc , j’espèrais avoir la joie de voir ramper dans les herbes un reptile de un mètre ; car c’est ce qu’il aurait sans doute mesusé mon Tarit s’il était arrivé à l’âge adulte !