En Décembre 1943, j’ai été contacté par mon ancien chef d’escadron et mon chef de peloton, afin de constituer dans la région de NOUSTY-SOUMOULOU, une section de volontaires en vue d’un débarquement ultérieur.
J’avais quitté Nousty en Décembre 1940 pour entrer au 2ème Hussards à TARBES; j’ai été démobilisé en novembre 1942, lors de l’entrée des Allemands dans la zone dite libre. Puis rappelé en février 43 pour travailler dans une compagnie de pose de câbles téléphoniques qui était commandée par le Commandant V. du Corps Franc Pommies – qui a été tué à Autun ; j’ai ainsi travaillé à Rodez, Albi, Vichy et à Jonzac où j’ai quitté cette compagnie, en décembre 43 pour essayer de former la section demandée.
Dés mon retour à Nousty, avec Jean S., Bernard C., François B., j’ai formé une équipe de foot, en vue de rassembler un peu tous les jeunes dont les distractions étaient très limitées, et monter une séance récréative afin d’alimenter la caisse, après en avoir prélevé une partie pour faire un envoi aux prisonniers de guerre, par l’intermédiaire de la Croix Rouge de Pau. Pour cela il me fallut faire une inscription à la Préfecture de Pau et déposer des statuts pour pouvoir fonctionner en toute légitimité. Cette association fut baptisée « NOUSTY-SPORT ». Je ne me souviens pas qui en était président; peut-être moi, je ne sais pas! Le trésorier était Bernard C.
Nous avions embarqué avec nous tous les jeunes réfugiés lorrains : K., J., R., etc … Nous avions joué quelques matchs, pas très brillants, à Andoins, Soumoulou, Lucgarier, où Robert J. fut blessé à l’arcade sourcilière et fut amené chez le docteur L. à Soumoulou pour quatre points de suture. Ceci nous amena à réfléchir que, sans assurance, nous ne pouvions continuer à endosser un accident plus grave. Ce fut notre dernier match !
Et nous consacrâmes à la séance récréative qui devait en principe nous permettre de faire face à l’achat de quelque équipement. Le premier ballon d’occasion avait été acheté avec la participation de tous, chacun donnant suivant ses moyens, qui d’ailleurs étaient très limités pour tout le monde, les déplacements en vélo avec souvent un vélo pour deux ; ceci pour situer un peu l’ambiance de l’époque. Et nous permettre avec Jean S. que j’avais mis dans le coup depuis le début, de voir qui était susceptible d’être contacté pour faire partie de cette section et serait assez discret pour garder le secret. Nous avons eu pour cela un grand secours avec Robert J. et Pierre P., qui, chacun de leur côté firent un bon recrutement, auquel se joignirent, le jour du débarquement d’autres éléments.
Voilà comment se forma à NOUSTY la section CLAVIER, qui partie de la grange BOURROUILLAT, a combattu à STUTTGARD sur le DANUBE, et ensuite en occupation à BERLIN. Celui qui nous aurait dit cela le 6 juin 1944, sans doute que nous ne l’aurions pas cru!
La libération du Sud-Ouest, AUTUN, les VOSGES, beaucoup l’ont fait, non sans laisser derrière eux plus de 300 camarades tués et plus de 1000 blssés.
Pour moi, ce qui compte, c’est que tous ceux que j’avais entraîné dans cette aventure sont tous revenus, et cela est un grand soulagement; je ne me voyais pas revenir à Nousty avec la responsabilité de la mort de l’un d’entre eux.
Pierre P., lui, n’a pas supporté les rigueurs de l’hiver 1944; réformé, il est décédé des suites de ce mal contracté pendant cette période; j’étais juste revenu quand il est décédé en 1968.
Comment s’est formée et ce qu’a fait notre section…J’ai été averti le 5, vers 10 h du soir de l’annonce du Message annonçant le débarquement sous 48 h au plus tard, et donc de rassembler la section. J’ai donc dans la nuit averti Robert J.qui a alerté ses camarades, qui en connaissaient d’autres. J’ai ensuite au petit matin alerté S. qui commençait à traire ses vaches. Rendez-vous au « Bourrouillat ». Pour ma part ensuite je me suis rendu au PC de la Compagnie à ESPECHEDE pour les ordres; et dans l’après-midi je suis allé chercher les mitraillettes Sten qui nous étaient attribuées, 6 ou 8 pour la section. Ce n’est que sur le retour que j’ai rencontré Charles N. devant le château qui m’a annoncé que le débarquement avait eu lieu ; lui n’était pas dans le coup et ignorait alors ce que je faisais.
Le 7 juin, nous avons monté une embuscade à SOUMOULOU, qui s’est soldée par des tués et des blessés chez les Allemands, et malheureusement par l’incendie de la maison BARRAU, et à LIMENDOUS par la mort des GRANGE, père et fils, qui ont voulu s’enfuir de la maison et furent tirés comme des lapins.
Cela nous fait beaucoup de mal à nous moralement, et aussi auprès de la population qui nous a tenus et nous tient encore pour responsables.
Après donc cette affaire, à Nousty tout le monde savait qui avait fait cela; et malgré tout la population a su se taire et les noms des responsables n’ont pas été divulgués. Du moins dans l’immédiat, il y avait à Nousty un soit disant réfugié qui habitait à l’ancien temple protestant, qui exerçait le profession de ferblantier et qui était en réalité un agent de la Gestapo; il se faisait appeler « DU TEMPLE », facile à trouver vu sa maison. Nous n’étions pas entièrement certains du fait, mais nous avions de grands soupçons. Sur notre demande, le Cdt. De C. décida de le faire enlever. Il envoya sa traction avec un petit commando.
L’affaire menée rondement, et par surprise, il fut donc enlevé dans la nuit et ainsi fut récupérée toute la liste des jeunes de Nousty ayant participé à l’embuscade de Soumoulou, et les noms de quelques autres, ainsi que son uniforme et papiers d’identité comme officier de la Gestapo.
Comme il ne nous était pas possible de le garder prisonnier, après quelques jours, le Cdt. De C. réunit un petit conseil de guerre, dont faisait partie P. pour me remplacer, étant ce jour-là en mission pour une autre affaire du côté de LUQUET. Il fut donc décidé de le passer par les armes. Le Cdt. De C. lui demanda s’il voulait recevoir les sacrements de l’Eglise; sur son approbation, il l’amena sous escorte à l’église de LALONQUE. D’après le chauffeur de De C., avant de partir il aurait dit au curé de Lalonque: « Si des camarades passent par ici, vous leur montrerez l’endroit où je suis enterré ». Il mourut en soldat avec une grande dignité.
Dans ce même temps, un autre groupe du CFP avait intercepté sa maîtresse, Rose, qui habitait à l’ancienne maison BRUSTEL; elle avait essayé de séduire le gars qui était chargé de la surveiller et de s’enfuir; elle aussi savait beaucoup trop de choses. Elle a été tuée d’une balle dans la nuque en traversant une rivière à BOUGARBER et son corps y a été trouvé par les habitants. Je n’ai pas d’autres renseignements sur cette affaire. Il est certain que si les renseignements détenus par DU TEMPLE et Rose étaient parvenus à Kommandantur, il y aurait eu de la casse à Nousty.
Voilà ce que je peux dire en gros sur cette affaire; certains faits sont exacts, d’autres qui m’ont été rapportés sont peut-être sujets à caution.