La ligne de chemin de fer

La ligne de chemin de fer Bayonne – Saint-Jean-Pied-de-Port – Saint-Étienne-de-Baïgorry

L’étoile de Legrand

À la fin de l’année 1841, la France avait un net retard sur les autres pays industrialisés dans la construction de son réseau ferré. Celui-ci comprenait seulement 319 km en exploitation, sur 566 concédés, alors que l’Angleterre en avait concédé 2 521, les états allemands 627 et la Belgique 378. Une loi, dite loi Legrand, votée le 11 juin 1842, qui prévoyait des concessions de longue durée aidées par l’Etat, entraîna la constitution de grandes compagnies qui réalisèrent très vite les bases du réseau actuel. Alors se constitua l’Etoile de Legrand, centrée sur Paris, du nom de Baptiste Alexis Victor Legrand, directeur général des Ponts et chaussées et des Mines de l’époque. Dans son article premier, la loi prévoyait qu’« il sera établi un système de chemins de fer se dirigeant de Paris sur la frontière d’Espagne, par Tours, Poitiers, Angoulême, Bordeaux et Bayonne ». Ainsi naquit en 1852 la Compagnie du Midi des frères Pereire à qui fut confiée la ligne Bordeaux-Espagne. En 1855, le train arriva à Bayonne, puis en 1864 à Hendaye.

Le plan Freycinet

Le ministre des travaux publics Charles de Freycinet, proche de Gambetta, fit voter une première loi le 18 mai 1878 sur les chemins de fer. L’objectif du plan Freycinet était de donner accès au train à tous les Français, de façon à favoriser le développement économique du pays et à désenclaver les régions reculées. Il fut officialisé par la loi du 17 juillet 1879. Selon Freycinet, toutes les sous-préfectures devaient être reliées au réseau des chemins de fer, ainsi qu’un maximum de chefs-lieux de canton.

Classement des lignes

La loi du 17 juillet 1879 classa 181 lignes numérotées de 1 à 181 pour une longueur totale de 8 848 km. La ligne de Bayonne à Saint-Jean-Pied-de-Port, avec embranchement d’Ossès à Saint-Étienne-de-Baïgorry, 58 km, portait le numéro 181. L’embranchement de cette voie se faisait au km 199 + 672 de la ligne Bordeaux-Bayonne, les distances kilométriques vers Saint-Jean-Pied-de-Port s’additionnant pour donner les nouveaux points kilométriques. Elle présentait un grand intérêt pour la population mais aussi pour la desserte des nombreuses activités minières plus ou moins en cours de disparition dans la vallée de la Nive ainsi qu’avec la citadelle militaire de Saint-Jean-Pied-de-Port.

La ligne ouvrit en 3 étapes :

• le 19 janvier 1891: Bayonne-Mousserolles—Cambo (18 km),

• le 20 août 1892 : Cambo-Ossès (21,662 km),

• le 11 décembre 1898 : Ossès—Saint-Jean-Pied-de-Port (11 km).

A Villefranque

La voie traverse Villefranque sur 6,382 km, parallèlement à la Nive. Les travaux de construction de cette ligne, effectués de 1882 à 1898, animèrent de leur long chantier la commune de Villefranque de 1882 à 1885. Le 14 mars 1882 débutait le percement d’une galerie de reconnaissance pour le tunnel de Sainte-Marie. Ce même jour, le premier coup de pioche était donné à Bellegarde.

Dans la traversée de la commune, il fallut construire 27 ponceaux ou aqueducs, 5 passages à niveau, le tunnel de Sainte-Marie (261 m), la galerie de Poyloa (33 m). Le conseil général des Basses-Pyrénées sollicita le concours financier de Villefranque. Réuni le 8 mai 1881, le conseil municipal déplora l’impossibilité pour la commune de s’imposer le moindre sacrifice «… vu qu’elle est déjà obérée dans ses ressources, qu’elle doit environ 10 000 francs…». Il fut néanmoins cédé 2 ha 12 a de terrains communaux. Les travaux d’infrastructures terminés (tranchées, remblais, ponts, passages à niveau), la voie fut posée par le Compagnie des Chemins de Fer du Midi entre le ler mars et le 30 juillet 1890.

Malheureusement, sur une longueur de 4 km, dans la traversée des barthes du Quartier-Bas et de Compaïto, le talus artificiel créé pour asseoir la voie s’enfonça. En 1886, il fallut réadjuger les travaux et consolider le remblai. On avait perdu 4 ans.

Une importante main d’œuvre de terrassiers espagnols afflua tout au long du chantier. La presse locale estima leur nombre à 10 000 dans l’arrondissement de Bayonne. Beaucoup logeaient à Villefranque, Saint-Pierre d’lrube et Mousserolles. Tout le long de la voie s’organisaient des campements précaires, avec des cabanes, des cantines, des cabarets et des écuries pour les mulets.

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Les haltes du Quartier-Bas, de Béhérarta et la gare de Villefranque

Les travaux occasionnèrent deux accidents mortels dans la traversée de Villefranque :

• le 17 août 1883, un terrassier espagnol, coincé entre deux wagonnets transportant la terre des déblais, décédait la poitrine enfoncée.

• le 8 janvier 1885, un terrassier espagnol était enseveli sous un éboulement, à Bellegarde. Il décédait dans la maison Mendia.

Le lundi 19 janvier 1891, le premier train quittait Bayonne pour Cambo à 6h30 et s’arrêtait à la halte de Béhérarta pour quelques minutes. Il transportait… 5 voyageurs. Le prix du voyage coûtait 1 F 20 en 1ere classe, 0 F 90 en 2e classe et 0 F 65 en 3e classe (soit peu ou prou le salaire journalier d’un ouvrier à la saline).

Notes de Landoxoko : Le talus élevé est remarquable ; les plus anciens savent qu’il n’a jamais été recouvert par les inondations, les ingénieurs connaissaient les données des siècles précédents. Il fallut donc déplacer des quantités énormes de terre, avec pelles, brouettes et chariots. La pierre constituant le ballast était extraite et cassée dans la carrière d’Arcangues et celle qui est derrière la voie, à l’entrée de la passerelle. Villefranque fournissait des dizaines et même des centaines d’employés aux usines et ateliers de Bayonne, beaucoup prenaient le train en gare du Bourg, de Béherarta, et du Quartier-Bas. Beaucoup de familles montaient aussi avec armes et bagages pour aller au marché de Bayonne.

loco   convoi de plateaux

La locomotive à vapeur à la halte – Le long convoi de plateaux et wagons fermés

Cette ligne transportait du kaolin de Louhossoa vers les usines de porcelaine de Limoges. Elle amenait, jusqu’à il n’y a guère, des grumes des forêts du Centre, ces troncs étaient chargés sur des camions à Saint-Jean-Pied-de-Port pour rejoindre Pampelune ou Saragosse par le col de Velate.
De très nombreux bovins et équidés partaient de « Saint-Jean » vers le nord.

La SNCF ravitaillait en cailloux tous les ballasts du Sud-Ouest depuis la carrière d’ophite d’Eyheralde, à l’entrée de Saint-Etienne de Baïgorry.

Il y a 50 ans à peine, certains jours, jusqu’à 100 personnes prenaient le train aux trois arrêts : les ouvriers qui allaient à Bayonne ou travaillaient dans la vallée de la Nive, les jeunes qui allaient aux écoles et lycées de Bayonne et toutes les personnes qui allaient au marché de Bayonne avec fruits, légumes et volailles vivantes.

Il y avait un chemin direct à travers le bois d’Arcangues depuis la croix du Quartier-Bas et un autre depuis la croix du terrain de foot qui passait à côté de Maiderrenia ; on peut le voir encore dans la broussaille.
Aujourd’hui, les trains du lundi et vendredi transportent beaucoup d’étudiants. La grande vague des Jacquaires avait fait grimper le nombre de passagers à 18 000.
Mais les lignes électriques ont été déposées, on roule donc au diesel.

Malheureusement, la ligne a connu les terribles intempéries du 4 juillet 2014 : remblais et murs de soutènement emportés, ponts fragilisés surtout dans le secteur de Saint-Jean-Pied-de-Port à Bidarray. Fin 2014, elle ne fonctionnait plus que de Bayonne à Cambo. De très gros travaux de remise en état sont en cours et la ligne devrait être remise en circulation fin 2015. Comme le « petit cheval » de Paul Fort chanté par Brassens, le petit train « s’en va tout seul dans le mauvais temps »… espérons qu’il n’y aura pas le « grand éclair blanc » pour le mettre à terre.

 

 Jakintza
Association Jakintza – Villefranque

 

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