Quand je suis arrivée à Bénéjacq en 1954 (je suis originaire des Labassères à Arros-Nay), mon mari et ses parents cultivaient du tabac. C’était pour eux, puis plus tard pour nous, une nécessité, cela rapportait bien et nous étions contents, c’est grâce au tabac que nous avons acheté notre 1er tracteur ! En parallèle, nous faisions la culture du blé et du maïs et nous avions également une quinzaine de vaches laitières. Nous faisions du tabac brun car le blond était plus difficile et plus fragile (surtout pour le séchage). Voici comment se passait la culture du tabac chez nous :
Les semis
Il fallait être très attentionné pour faire cela, un monsieur de Coarraze (ou d’Igon, je ne sais plus) qui faisait partie de la régie, nous donnait un petit sachet de graines (comme un dé de couturière). Il fallait ensuite le semer, cela était très délicat, nous le faisions contre un mur pour le protéger. Un petit sachet permettait de faire pas mal de semis. Quand les semis avaient atteint une certaine hauteur, il était temps de les planter dans le champ (à peu près en mai).
La plantation et la culture
Nous n’avions droit qu’à une certaine superficie, c’était très contrôlé et nous ne pouvions pas faire n’importe quoi ! Parfois il manquait des plants, parfois nous en avions trop, dans ces cas-là nous nous entraidions entre voisins. Je me souviens avoir eu une amende car nous avions planté quelques plants supplémentaires. Quand le tabac était assez grand, il fallait passer entre les rangs et faire tomber les 1ères feuilles du bas, cela s’appelait « épamprer ». Nous laissions les feuilles coupées au pied. Nous coupions la fleur et nous enlevions également les bourgeons (comme sur les pieds de tomate) pour permettre à la sève de monter.
Fleur – Source : Wikipédia
La récolte
Une fois la hauteur atteinte, nous coupions les pieds un par un, nous le laissions sécher un peu dans les champs, nous faisions des tas (toujours pied par pied), nous le mettions sur une remorque puis nous le rentrions. Il fallait le pendre pied par pied pour qu’il sèche. C’était un sacré travail ! Il y en avait dans le grenier, dans le séchoir que nous avions fabriqué ainsi que dans des granges que nous louions sur Bénéjacq.
Le séchage et le conditionnement
Tout dépendait du temps, il fallait que ce ne soit ni trop humide, ni trop sec. Ça nous est arrivé qu’il fasse très chaud, de le descendre et de le mettre dehors tout la nuit pour la gelée. Une fois qu’il était descendu, nous devions le trier (par taille et qualité) et ça c’était quelque chose ! Il y avait trois sortes de feuilles : les basses, les médianes et les hautes. Les plus belles étaient les médianes car les hautes étaient trop foncées et les basses trop petites. Nous faisions des « Manoques », c’était 22 feuilles liées avec une 23ème. Il fallait ensuite les presser (nous avions une presse exprès), les emballer et les étiqueter.
La livraison
Mon beau-frère nous aidait. Nous remplissions son camion des « Manoques » et nous partions les emmener à la régie, au début, elle se trouvait à Nay puis à Angaïs et à la fin à Pau. Les acheteurs de la régie étaient présents, et ils classaient puis évaluaient le tabac suivant la qualité. Des fois nous étions contents, des fois moins. La régie gardait ensuite le tabac.
Nous avons dû arrêter en 1986 car les cultivateurs de tabac étaient obligés de s’équiper de séchoirs spécifiques et très coûteux. Nous étions beaucoup à cultiver le tabac sur la plaine, surtout à Bordères, Angaïs et Bénéjacq. Le dernier à cultiver est mort il n’y a pas si longtemps !