Je suis issu dʼune famille dʼagriculteurs. Pendant la guerre nous nʼavions pas la possibilité de continuer nos études donc jʼai tout naturellement continuer à travailler à la ferme.
Travail de la terre
Le travail se faisait alors à traction animale : les boeufs tirant le brabant (cʼétait une charrue). A chaque extrémité des champs, quand nous tournions pour reprendre le sillon, il fallait retourner la charrue, elle était réversible. Puis au fur et à mesure que nous labourions, il fallait épandre le fumier à la main, à lʼaide de la fourche.
Tout le matériel était tracté par des boeufs. Autrefois, mon grand-père avait des mules qui ont été abandonnées au profit des boeufs.
Nous avions des vignes dans lesquelles nous travaillions avec des boeufs et des charrues simples. Nous pulvérisions de la bouillie bordelaise (cʼétait du vitriol que lʼon faisait dissoudre dans des comportes en bois auquel on ajoutait de la chaux vive quʼon détrempait) et du souffre à lʼaide dʼune pompe à dos dans les années 39/40.
Après sont arrivés les premiers tracteurs (dans les années 50). On avait commencé à acheter un tracteur Renault avec 4 voisins. Il faisait 25 chevaux à lʼépoque et avait deux socs. Il trainait de gros disques que lʼon appelait des cultivateurs. Ça a changé beaucoup de choses dans notre façon de travailler. Nous ne nous servions plus alors de la traction animale que pour meubler la terre, passer les rouleaux, passer les herses.
Vers 1954-55, chacun a acheté un tracteur Pony auquel était associé tout le matériel que trainait jusquʼalors les attelages de boeufs. Nous avions également des semoirs à maïs à deux rangs de marque Latisnere du nom de lʼartisan de Gayon qui en était lʼinventeur.
Chaque rang possédait un casier : un pour les haricots et un pour le maïs. Au fur et à mesure de lʼévolution des maïs et de lʼapparition des hybrides, nous avons abandonné la tradition de cultiver les haricots dans les maïs et nous avions de nouveaux semoirs qui ne semaient alors que le maïs.
Avant les moissonneuses lieuses, nous utilisions les faucheuses qui faisaient des brassées de gerbes que lʼon rassemblaient à la main par deux ou trois avec de la paille de seigle.
Avec les moissonneuses-lieuses, on avançait dans la mécanisation. Ensuite sont apparues les moissonneuses-batteuses qui ont pris le relai. Les premières ensachaient le grain dans des sacs de jute dʼenviron 80kg puis au fur et à mesure, sont arrivées des moissonneuses-batteuses avec des trémies qui emmagasinaient du grains versés ensuite dans des remorques.
Elevage
Jʼai toujours vu des vaches et quelques moutons à la ferme. Nous avions également un élevage de chevaux de course (pur sang anglo-arabe) jusquʼau milieu des années 50.
Nous avons gardé les vaches jusque dans les années 70/80. Nous vendions les veaux.
Nous avons vendu les vaches et jʼai monté un troupeau de moutons dʼenviron 90 moutons dont nous vendions la viande et la laine à des grossistes.
Nous avons diversifié lʼactivité en montant un élevage de canards dans les années 70/80.
Puis nous avons vendu les moutons. Pour lʼélevage des canards, nous avons acheté des canes reproductrices de la race Pekin que nous avons accouplé avec des canards marins ce qui donnaient alors du canard mulard. Nous ramassions les oeufs chaque jour et nous avions quatre couveuses électriques. Nous mettions les oeufs à couver dans les couveuses. Au départ on donnait aux canetons de lʼaliment spécial puis, nous passions au grain. Au bout dʼenviron 4 mois, ils commençaient à être gavés. Dans les années 80, les canards étaient placés dans des loges sur la paille avec des entonnoirs électriques. Petit à petit nous avons transformé les canards. Nous allions au marché pour vendre les canards gras et nous faisons les confits et les foies que lʼon expédiait jusquʼen Suisse ! Nous faisions le maïs pour le gavage. Nous nous étions équipés de machines qui ramassaient et dépouillaient les maïs que nous mettions ensuite dans ce que nous appelions des «cripes» (installations de bois et de grillages dans lesquelles nous faisons sécher le maïs).
Avec la mécanisation, le travail est devenu moins pénible et plus rapide. Ça nous a vraiment apporté un plus et permis de faire évoluer lʼactivité. Lʼagriculture dʼaujourdʼhui est bien éloignée de celle que jʼai connue à mes débuts. Il y a beaucoup moins dʼagriculteurs quʼavant ; les propriétés étaient alors beaucoup moins vastes. Avant, tout le monde était plus ou moins agriculteur, maintenant il ne subsiste que de «gros» agriculteurs qui travaillent de grandes propriétés, beaucoup de champs ayant été défrichés.
Je garde vraiment de bons souvenirs de ma carrière dʼagriculteur, jʼai assisté à des évolutions importantes : de la faux à la grande machine, que de différences !
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