Jean-Baptiste naquit le7 novembre 1889 à Gabas (commune de Laruns) où son père était douanier. Il fut élevé par sa tante Jeanne, sœur de sa mère, épouse Passimourt, ce dernier originaire de Bilhères-en-Ossau. Il reçoit de sa tante, le2 mai 1900, par testament, le moulin et sa batteuse de Monplaisir (commune de Gère-Belesten).
Curieux de nature et sportif dans l’âme, il goûte tout jeune aux sports nouveaux tels que le vélo et le rugby. Avec son frère Jean-Pierre, son cadet de 4 ans (notons que Jean-Pierre sera maire des Eaux-Bonnes, puis de Buzy) il écumera bon nombre de courses locales et régionales : à Bordeaux et ses environs, dans le Gers, en particulier à Mirande où il fit son service militaire, à Pau et dans la vallée d’Ossau. Jean-Baptiste devait voir sa consécration de cycliste en participant au Tour de France de 1910. Il n’eut pas de chance, alors que le Tour, pour la première fois, passait tout près de chez lui, dans la Vallée d’Ossau, alors qu’il espérait, au plus profond de lui-même, ne pas décevoir les nombreux voisins et amis qui viendraient sûrement l’applaudir sur le bord de la route.
Et ils étaient nombreux les supporters du coureur Ossalois à attendre son passage. Ils avaient même érigé, en bas de la descente de l’Aubisque, un arc de triomphe portant l’inscription : « Honneur à Camdessoucens ». Cette étape gigantesque Luchon-Bayonne, longue de 326 km avec l’ascension des cols de Peyresourde, Aspin, Tourmalet et Aubisque, avait fait de sérieux ravages dans les rangs des participants, et les écarts se chiffraient en heures derrière le leader Octave Lapize.
La nuit était déjà tombée depuis longtemps ; les compatriotes du valeureux Camdessoucens l’attendaient stoïques, identifiant les rescapés, à la torche, dans la nuit noire. Ils furent obligés de rentrer chez eux, tristes mais surtout inquiets. Ce qu’ils ignoraient, les journaux arrivant parfois avec plusieurs jours de retard dans ces villages de montagne, c’est que leur compatriote n’avait pas pris le départ, victime d’une chute dans l‘étape Perpignan-Luchon. Ecoutons le coureur : « Un enfant veut voir les coureurs de près et avance soudain sur la route. Je vais le heurter de plein fouet, ce petiot. Je braque mon guidon, je fais un terrible soleil, patatras ! La bouteille de boisson tombe et se brise. Dans ma chute je mets les mains en avant et ma main, sur le verre, a une large plaie ouverte. Je termine l’étape malgré la perte de sang et la douleur. Le docteur du Tour m’oblige à abandonner. Le patron du Tour, Henri Desgrange, interdit désormais les récipients en verre et ce fut l’apparition des premiers bidons en fer blanc. « Une gamelle pour les bidons » titra un journal quelques jours plus tard. On put lire aussi : « Eaux-Bonnes pavoisa, Son coureur ne passa pas ». Jean-Baptiste ne courut pas d’autre Tour de France.
Le vélo était, pour cet Ossalois, un loisir et un moyen d’évasion. Pour son fils Jean, son filleul Claude, il aimait évoquer le temps où, avec son frère Jean-Pierre, ils enfourchaient leur bicyclette, bien avant 1914, pour les balades de plusieurs jours en terre espagnole. Quand il leur en prenait la fantaisie…
Il faut ajouter que Jean-Baptiste Camdessoucens était, à sa façon, un homme hors du commun. Il était doté d’une force particulière pour le jeu du « jet de barre » où il dominait, d’une adresse qui lui permettait de gagner force concours de tir, d’une connaissance et d’un amour de la nature qu’il cultiva toute sa vie. C’est ainsi qu’il capturait des vipères, les apportait, vivantes, enfermées dans une bouteille, à la pharmacie. Il se tailla une réputation, non usurpée, d’excellent pêcheur de truites, à la mouche. Il n’avait pas son pareil pour confectionner des mouches avec des plumes de coq qu’il sélectionnait dans les basses-cours des villages Ossalois. Même qu’il créa une mouche extra appelée l’Ossaloise, et qu’il vendait dans les magasins d’articles de pêche à Pau. Il vendait aussi des fouets de pêche confectionnés avec les crins des queues de chevaux et juments qui passaient ! Ecoutez plutôt. Un jour qu’il pêchait le long du Gave d’Ossau, près de sa maison, il prit tant de truites qu’il ne prenait pas la peine de les ranger dans sa corbeille : il les tirait de l’eau, les jetait dans la prairie qui bordait le gave. Il était en train de les ramasser après sa partie de pêche lorsqu’une bergère, de Gère-Belesten arriva avec son troupeau et lui dit : « Qué hès Jen-Baptiste ? » (« Que fais-tu Jean-Baptite » ?). Le malicieux pécheur répondit : « Qué las gahi péndén qui soun en tri dé péché ! » (« Je les attrape pendant qu’elles sont en train de paître ! »).
Sachez enfin que ce coureur cycliste de la Belle Epoque, ce merveilleux pêcheur, était aussi un bon chasseur d’isards et de blaireaux.
De nos jours, batteuse et moulin ont disparu (plus de champs de blé, de froment, dans la Vallée d’Ossau).
Notre coureur repose dans le petit cimetière de Gère, là-haut, au flanc de la montagne, auprès de sa femme, de son fils.
Notes rassemblées par la fille aînée du coureur : Camdessoucens Elisabeth, dite Elise. Veuve Husté John-Roger.