Les franchissements de la Nive

le
Chalant Portua

C’est le port d‘ltxassou où on chargeait les chalands, en contrebas du camping Hiri Berria et en limite de Cambo. L’étude des lieux montre que c’est le dernier endroit où l’on pouvait naviguer en eau profonde car à 150 m en amont, on trouve les premiers rapides de la Nive.

On sait que le minerai argentifère de Banca qui venait par la route en passant par Iholdy (la route de Bidarray n’existait pas encore), était embarqué à ltxassou pour être acheminé par voie maritime à Poullaounen en Bretagne.

Soulignons au passage que tous les hiri-buru-goyen-barne-berri-mendi… correspondaient à des plateaux d’observation au-dessus des vallées ; en l’occurrence, Hiriberria correspondrait à cette définition.

La pêche au saumon

 

Quelques hectomètres en amont au lieu-dit le Barreau, sans doute à cause d’un rocher couché en travers de la Nive qui précipite l’eau contre une falaise créant un profond remous et rétrécissant le passage. Il y avait là une roue, du genre tourniquet avec des pales actionnée par l’eau qui faisait tourner des filets qui capturaient les saumons et les versaient comme une noria dans une caisse bien verrouillée. On trouve encore des barreaux de fer fixés dans la roche pour accéder à la plateforme qui surplombait le système.

Du samedi au lundi, le système était relevé pour permettre aux saumons de remonter. Cette pêche a duré jusqu’au début du XX° siècle puisque l’on sait que deux hommes s’y noyèrent en 1921. Une plaque ornée d’une croix, portant l’inscription « Priez pour eux », rappelle cet accident.

Le bac de Soubeleta

 

Au droit de la route venant de Louhossoa une gabarre permettait de franchir la Nive, large embarcation qui acceptait les chariots (et donc les convois de minerai) jusqu’en 1844. Le cadastre napoléonien l’a relevée et on trouve à proximité la maison Garsinania, ou Gabarraçainenea (la maison du gabarrier), tout cela souligne l’importance de ce dispositif. Venant du village, l‘ancienne route descend à droite (passage réservé), juste avant le pont Potapov passant devant la maison Errobia ou Domingorenia, qui était l’auberge du port.

Sinon, auparavant, les seigneurs de Zubeleta avaient une barque « pour leur commodité », ce qui est attesté par une lettre du roi Louis XII datée de 1614. En amont, sur la courbe de la rivière, on pouvait aussi traverser à gué.

 

Le pont à péage

 

Une délibération du conseil municipal de 1843 autorisait ainsi deux entrepreneurs à édifier un pont tout en regrettant qu’il soit à péage. Ce pont suspendu avec tablier en planches, bâti clans les règles de l‘art, apportait une solution définitive à ce point de passage ; il fut mis en service le 10 mai 1844.

Néanmoins, même les piétons payaient, les gens qui allaient à la messe demandèrent, avec l’intercession de l’Evêché, une franchise qui fut refusée. Du coup, il y eut des absences aux messes et les Vêpres furent carrément désertées par les gens du quartier Olhasur et même lzoki qui venaient en surmontant I’Arrokagaray.

Exemple de péage (1928) : une personne avec charge maximum de 50 kg : 0,50 c, par tranche supplémentaire de 50 kg : 0,20 c… Un vélocipède à 2 roues : 0,60 c.

La solution « définitive » fut emportée par la grande crue du 2 juin 1913. On répara, mais le passage restait délicat car l’ouvrage était très fragile.

Ce fut un ingénieur russe, Basile Potapov. qui fit construire un pont en béton, mis en service en 1928, avec deux arches supportant un tablier bétonné. Le béton a bien résisté même si, aujourd’hui, il est « squizzé » par celui de la pénétrante Bayonne-Saint-Jean-Pied-de-Port. Nous étions en période de guerre et l’ingénieur a aménagé quatre niches en des points névralgiques pour placer des charges explosives destinées à détruire le pont en cas d’invasion.

 

La crue du 3 juin 1913

D’énormes quantités d’eau se déversèrent en deux heures sur le massif, 11 maisons furent emportées à Erratzu, presque autant à Baïgorry, une à Bidarray et un vacher qui récupérait ses bêtes fut entraîné par les eaux. Le moulin Eyhera Xaharra (actuellement « Truite de Banca ») fut emporté. Le Laxia, ne voulant pas être en reste, emporta les maisons et submergea le pont de sa vallée, 12 ponts et ponceaux au total à reconstruire !

Dans une maison inondée, l’amatxi alitée fut noyée et son fils ne dut son salut qu’aux crochets du plafond auquel il se suspendit. La carte postale du pont de Soubeleta permet de voir à quelle hauteur étaient montées les eaux.

Aujourd’hui, quand on cure les canaux des barthes de Villefranque, on trouve à 1 mètre de profondeur environ, une couche de terre rouge d’une quinzaine de centimètres qui permet de mesurer la quantité de terre et de matériaux qui avaient été entraînés.

Route et pont submergés au Pas de Roland

Le passage de Hariria

 

Le moulin de Hariria fut obligé d’arrêter son activité, une grande crue ayant comblé le canal d’arrivée avec des galets et des graviers. M. Gindre reprit les bâtiments pour installer une usine de broyage de kaolin qui alimentait la porcelaine de Limoges. Une vingtaine d’années plus tard, un industriel bayonnais, M. Neys, y installa l’usine hydro- électrique que nous connaissons encore aujourd’hui. On y franchissait la Nive à bord d’une barque guidée par un câble. C‘était d‘autant plus utile que le chemin de fer passait de l‘autre côté de la Nive et ainsi, tout le bourg pouvait se rendre à la gare grâce à cette installation. Comme il fallait attendre quelque peu, on atterrissait à l‘auberge Bordaberria. Il reste encore les ancrages des câbles des deux côtés.

 L’auberge Bordaberria

Moulin puis usine

 

 

 

 

La nacelle de Laxia

 

Au passage tumultueux du Pas de Roland, et même si des essais avaient été effectués, aucun pont n’était possible. On tendit donc un câble qui supportait une nacelle entraînée par une poulie, et on tirait sur le câble, qui écorchait les mains. Ce système très original désenclavait le quartier lzoki. On le verra par ailleurs, la nacelle aura beaucoup servi.

Année 1924

 

Le 10 février. Bac aérien. Le maire explique que les habitants du quartier Guibelarte et ceux d’Izoqui ont construit sous la direction de M. Larronde un bac aérien sur la Nive. Ils demandent une subvention à la commune. Le conseil municipal accorde 500 F.

En 1956 encore le Maire déplore : « Les habitants du quartier Izoqui doivent traverser un gué. Pour fréquenter l’école, les enfants utilisent une installation montée de façon rudimentaire sur un câble ».

 

 

 

 

 

 

Le pont passerelle : un long combat

 

En juillet 2009, la passerelle reliant les quartiers d’Itxassou Izoki et Gibelarte a été fermée en raison de la dangerosité de l‘ouvrage, malmené par un traffic lourd non prévu à sa conception.

Sa reconstruction est en cours et son ouverture est prévue en 2014. Le quartier lzoki doit peut-être son nom d’izokina le saumon que l’on piégeait dans le défilé, mais plutôt à izotz-ki, lieu humide de rosée.

Le 30 mai 1911. Pont sur la Nive. L’emplacement du bac a été choisi après mûres réflexions depuis 1903. Le pont projeté est nécessaire pour relier à la station d’ltxassou les quartiers de Guibelarte de Laxia, et de l’église ainsi que pour faciliter le passage de la Nive aux promeneurs, de plus en plus nombreux chaque année, qui viennent visiter le Pas de Roland. Mais les années passèrent, la crue de 1913 épuisa toutes les ressources.

Année 1930

 

Le 16 février. Une pétition émane des habitants du quartier d’lçoquy par laquelle ceux-ci demandent la construction sur la Nive d’une passerelle reliant leur quartier au village. Ce quartier composé de huit familles de cultivateurs et du chalet n° 20 (passage à niveau) est situé sur la rive droite de la Nive que longe la voie ferrée alors que la grosse agglomération de la commune, et en particulier la mairie, les écoles, la poste, l’église, les épiceries etc. se trouvent sur l’autre rive. Ces habitants n’ont comme voies de communication pour venir au village qu’un léger bac à rames qu’ils entretiennent à leurs frais. Lorsque la Nive ne permet pas la traversée par bac, ils doivent rejoindre la route nationale près de Louhossoa en contournant la montagne d’Arrokagaray, pour venir passer ensuite au pont suspendu d’Itxassou.

Les enfants, que l’on ne peut pas laisser seuls passer la Nive sur le bac sont autorisés à aller à l’école et à l’église de Louhossoa. Mais pour toutes les circonstances de la vie civile ou religieuse, naissance, mariage, décès, les habitants d’lçoquy doivent obligatoirement venir au village. Ils demandent donc la construction d’une passerelle sur la Nive. Le conseil municipal accueille favorablement la requête (le quartier Içoquy, composé de huit exploitations agricoles importantes, est un des plus prospères de la commune).

Année 1956

 

Délibération pour la passerelle d’lçoqui. Le maire indique la nécessité de construire une passerelle sur la Nive. Cette passerelle devrait permettre le passage des véhicules et d’attelages agricoles légèrement chargés. Les habitants du quartier d’lçoqui doivent traverser un gué. Pour fréquenter l’école, les enfants utilisent une installation montée de façon rudimentaire sur un câble.


Année 1959

 

Passerelle du quartier Içoqui. Construction de celle-ci par l’entreprise Merville et fils dont le siège est à Arudy.

8 décembre 1963. En vue du transport des pièces préfabriquées, un hélicoptère est venu voir sur place, mais ce projet ne peut pas être retenu. Pour le transport par la route, c’est impossible. Reste le transport par le chemin de fer mais le prix est très élevé. M. Merville prendra contact avec la SNCF. 27 septembre 1964. La réception provisoire des travaux eut lieu le 9 octobre courant.

Journal Sud-Ouest du 28 février 2013 : le conseiller général Vincent Bru a dû livrer un véritable combat pour obtenir l’autorisation de construire un ouvrage sur la Nive. Il avait été prévu de jeter un tablier sans appui central, en se fixant sur les berges. Mais la présence de Ia ligne de chemin de fer n’a pas permis d’opter pour cette solution. Un schéma initial plus tatillon en raison des lois réglementant l’eau et la population piscicole est donc choisi.

Les travaux, d’un montant de 1,5 million d’euros, devraient durer un an et ils débuteront le 19 mars dans le lit de la rivière, après avoir assuré la protection des poissons par une pêche électrique.

L’entreprise MAS est responsable du gros œuvre.

Finalement, un pont-passerelle, un peu en amont de la nacelle et du gué permit aux bêtes et aux charrettes de passer. Dégradé et fragilisé, il vient d’être refait, au grand soulagement des habitants du quartier qui se sont vus durant 4 ou 5 ans condamnés à faire le tour par Louhossoa.


Le pont suspendu de Gibelarte (et celui de Manguia-Kalonjea à Bidarray)

Au niveau du Tolosenia, il est assez peu connu d’autant qu’il est actuellement désaffecté, mais on peut quand même en admirer les structures. Il en existe un semblable, un peu en amont après Manguienia à Bidarray (où avait aussi fonctionné une barque guidée par un câble). Tous deux furent construits avec l‘aide d‘un entrepreneur et avec les habitants du coin qui allèrent abattre des chênes en forêt. Très utilisés par la contrebande (il y a même un guarda etche à proximité), ils permirent aussi de fréquenter et l’école et l’église de Louhossoa. Cette passerelle avait remplacé une nacelle suspendue, moins pratique que celle de Laxia, car en bois et très lourde à manœuvrer.

La passerelle et son accès.

Les passages à gué

Les deux gués

Entre les deux derniers ouvrages, la Nive s’étale en deux endroits. Il existait donc deux passages à gué. Le gué se dit hibia en basque (Fontarabie : hondar hibia, le gué de la plage, Behobie : Behor hibia, le gué des juments). On trouve donc Grandeniako Hibia et Paskoneko Hibia. La maison Manguia, lors de sa réfection en 1966, vit la plupart de ses matériaux arriver par le gué.

Le forgeron pilolari Henri Dunat, qui a beaucoup travaillé dans le secteur, nous racontait il n‘y a guère qu’il avait remplacé les roues en fer et bois par des roues de camion, et qu’il avait eu la surprise de voir son attelage flotter!

On pouvait traverser dans des conditions favorables avec de l‘eau jusqu’aux genoux, mais au-delà le courant était très fort. Les troupeaux de chevaux (clandestins) passaient attachés à la queue leu leu, et quelques bœufs avec attelage. Exceptionnellement, des clandestins pendant la guerre, attachés en cordée, car les ponts et nacelles étaient très surveillés. Un habitant d’lzoki avait un lancer assez puissant pour envoyer la corde d‘une rive à l’autre.

Les agents administratifs qui, d’un malheureux coup de crayon, avaient coupé le village en deux ne se doutaient pas qu’ils allaient développer autant d’imagination.

 

Jakintza
Association Jakintza – Itxassou

 

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