C’est le début de l’été à Alger, la température oscille déjà entre 24/30 °. Il est prés de 19 heures, mais difficile de penser à la nuit proche tant la luminosité d’un ciel sans nuage est intense. Je suis sortie un peu plus tôt de mon bureau pour arriver chez mes amis à l’heure de l’apéro. Mais aussi et surtout parce qu’ils habitent KOUBA, banlieue proche d’Alger, un quartier que l’on qualifie de pas trop sûr ….. Mais qu’est-ce qui était sûr à cette époque ?????
Au volant de ma dauphine, vitres grandes ouvertes, je roule vite et nerveusement comme à mon habitude. Il était prévu que je passe la nuit sur place car rentrer après diner aurait été d’une grande imprudence. Peu de monde sur ce parcours et je suis bien la seule lorsque j’amorce la descente sur Kouba. J’aurais du me méfier de cette absence de circulation car à mi-pente le « piège » m’attend : une horde de jeunes gens, batons à la main, occupe le milieu de la route avec l’intention visible de m’obliger à m’arrêter. C’est fou comme on peut, en quelques secondes, prendre des décisions importantes : m’arrêter c’est courir le risque de me faire lyncher, donc il faut passer coûte que coûte.
Je klaxonne sans discontinuer, appuie à fond sur l’accélérateur et fonce donc vers cette barrière humaine à une allure folle avec l’espoir que la sagesse les fera s’écarter. Et c’est ce qui se passe car je les vois se jeter sur le côté précipitamment. Arrivée à leur hauteur , cependant, l’un d’eux jette quelque chose à travers ma vitre ouverte. Une brûlure vive au visage et le sang commence à couler : je suis alors persuadée qu’il s’agit d’une grenade et que c’est sa goupille qui m’a blessée.
Je vis des minutes affreuses, impossible de m’arrêter, à choisir je préfère la mort brutale à une longue agonie précédée de coups et sévices divers. Je continue de rouler à vive allure avec cette horrible pensée que tout va bientôt sauter. Les secondes me paraissent des heures , décrire ce que je ressens à ce moment là est tellement proche de l’irréel qu’il m’arrive de penser encore aujourd’hui : s’agissait-il bien de moi ? Comme rien ne se produit, mes battements de cœur se calment un peu . La grenade était sans doute vieille et hors d’usage……..ouf !
Après 10 minutes de grande émotion me voilà enfin arrivée ! Je laisse la voiture assez éloignée de la villa de mes amis ( on ne sait jamais …. ) m’extrais de la voiture, plutôt rapidement .., et sonne chez eux. Ils ont devant eux une jeune femme excitée, visage ensanglanté, qui leur débite son histoire à toute allure … Leur regard laisse deviner leur inquiétude, ils s’empressent de nettoyer mon visage et me forcent à avaler un petit remontant . Adrien, comme un grand frère qu’il était pour moi, me prend par les épaules et essaie de calmer ce tremblement nerveux qui, soudain, s’est emparé de moi. Ils sont tous là autour de moi, petits et grands, me regardant avec affection et essayant par une caresse ou un baiser, de me faire oublier mon cauchemar.
Adrien veut aller jusqu’à la voiture pour voir ce qui a provoqué ma blessure. Je l’en dissuade, pensant toujours à une éventuelle grenade : « mais non, si cela était il y a longtemps qu’elle aurait explosé ».
Quelques minutes plus tard il revient, un grand sourire aux lèvres, et dépose sur la table, devant moi, l’objet de ma frayeur : une vulgaire pomme de terre farcie de plusieurs lames de rasoir !!!!
C’est ainsi qu’une simple pomme de terre ( enfin simple si on lui enlève la vingtaines de lames de rasoir qui la truffaient … ) est à l’origine d’une de mes plus belles frayeurs.
Mes blessures « de guerre » n’ont pas marqué mon visage. Il a suffi de quelques semaines pour que les cicatrices disparaissent mais il y en a « d’autres », par contre qui sont restées indélibiles !!!!