La classe dont je me souviens bien est celle du CE1.
Je n’étais pas allée au CP car, l’année précédente, j’avais appris à lire en même temps que ma sœur Catherine, mon aînée de 18 mois.
Quant au « calcul »…..étant la 4ème de la fratrie, je savais compter de 1 en 1, de 2 en 2…et récitais les tables avec les plus grands !
Le CE1 fut donc ma grande expérience de l’école primaire.
Nous traversions le préau pour atteindre la grande cour fermée, plantée de quelques platanes. Sur un des murs, il y avait un tableau sur lequel on pouvait lire la liste des élèves ayant reçu, dans chaque classe le prix d’honneur ou celui d’excellence !
C’était flatteur pour les enfants et surtout pour les parents !
Dès que la cloche sonnait, nous nous mettions en rang, deux par deux, bien alignées, une main derrière le dos, l’autre tenant le cartable de cuir- que l’on gardait plusieurs années-, et, bien sûr, la bouche bien fermée !
Nous avancions en silence jusqu’à la classe.
Quand nous entrions, nous nous tenions, très droites dans nos blouses à carreaux, debout, chacune à côté de sa place, toujours sans mot dire et nous attendions le « asseyez-vous » de la maîtresse pour nous exécuter.
Nous étions installées un peu au hasard, mais aux résultats des premières compositions (les contrôles d’aujourd’hui), l’ordre du classement se trouvait imposé, si bien que les meilleures élèves se trouvaient, dans l’ordre, assises dans la rangée devant le bureau…..et celles ayant moins de facilité se retrouvaient donc au fond de la classe…assez loin, en fait du regard de la maîtresse !
J’ai eu du mal à comprendre cela, ayant toujours pensé qu’on est mieux surveillé devant !
La maîtresse prenait sa place à son bureau, perché sur une estrade qui courait sur toute la largeur de la classe.
Pendant que je sortais de mon plumier mes affaires -un porte-plumes, un crayon, une règle plate de bois et un crayon d’ardoise-(tout le reste étant superflu), je regardais le tableau où étaient déjà inscrites, d’une très belle écriture, la date et, au-dessous, la morale du jour.
La phrase était lue, expliquée, commentée sans le moindre chuchotement : il fallait lever la main, l’index tendu bien haut et attendre d’être interrogée ; ou, au contraire rester sagement , les bras croisés, espérant passer inaperçue quand on n’avait rien à dire.
Puis une élève, choisie au hasard, distribuait les cahiers « du jour » tous couverts en papier kraft bleu avec une jolie étiquette collée en plein milieu.
J’ouvrais avec bonheur mon cahier, trempais la plume « sergent-major » dans l’encre violette de l’encrier de porcelaine et recopiais, en m’appliquant à faire les pleins et les déliés, la main posée sur le buvard rose, le texte du tableau.
J’y trouvais chaque jour un « bon point » que je rangeais dans une petite boîte, bon point qui signifiait que mon cahier était propre, soigné, les traits bien tirés et les « frises » joliment coloriées ; ce qui n’était malheureusement pas le cas de toutes, car il était très facile de faire des taches qu’on appelait « pâtés » en écrivant à la plume….je me souviens d’élèves qui étaient mises au coin, le cahier sali, tenu exposé aux regards souvent moqueurs……
Les journées commençaient toujours ainsi et s’écoulaient ensuite différemment selon les « leçons » mais de façon très rituelle : la maîtresse interrogeait quelques élèves- jamais ce n’était du hasard et rarement les volontaires – les élèves récitaient, par cœur, les résumés, les tables, les « récitations »……Une nouvelle leçon était expliquée, des exercices faits en classe, d’autres donnés à faire chez soi…..Ce que j’aimais le plus c’était qu’il y avait toujours pour « l’histoire de France » et les leçons de choses des cartes didactiques très colorées, que je trouve maintenant assez naïves, mais qui se sont imprimées à jamais dans nos petites cervelles d’enfants ! Quel plaisir de les découvrir !. J’ai toujours en mémoire la planche du haricot grâce à laquelle j’ai appris le mot « dicotylédon » Celle qui ne quittait jamais le mur, c’était la carte de France, de Vidal Lablache, quelques fois « muette », qui nous faisait voyager par monts et par vaux et dont les noms de fleuves, de rivières, de villes, de montagnes, toujours sous nos yeux, s’imprimaient peu à peu sans effort dans nos mémoires.
Chaque question pertinente, chaque remarque intéressante, une leçon bien récitée (sauf quand elle était notée), un cahier bien tenu, nous faisaient gagner des bons points…. Quand on en avait 10, on les échangeait contre un image. Mais ils étaient parfois perdus aussi vite que gagnés : le bavardage, le rire, le fait de se retourner, d’être agitée, de faire tomber trop souvent ses affaires…..et ils étaient rendus !!!! Mais les très grosses bêtises étaient plus sévèrement punies : nous allions au coin, avions des lignes à copier, devions aller nous expliquer dans le bureau de Madame la Directrice et même parfois, il fallait rester « en retenue » ! Quand on sait que les parents doublaient la punition reçue par une de leur invention, on comprend que rendre les bons points était la punition préférée.
Malgré tout, cette année et les autres, dont certaines dans une école de campagne très différente, ont enrichi ma vie.