A la sortie d’une année d’école d’infirmière, ne pouvant continuer mes études, suite au décès de ma mère, je rencontre un pasteur qui m’oriente vers une profession que je ne connais pas : « Travailleuse Familiale » qui a vu le jour en 1947 (année de ma naissance).
Après acceptation de mon dossier, j’achète un solex flambant neuf. Je commence ma première journée en doublon avec une collègue.
Le site, un baraquement en bois sur les hauteurs de Charleville –Mézières (Ardennes ), pas de chauffage, deux pièces , dans un réduit ,une grosse lessiveuse remplace la baignoire. Je comprends très vite quel va être mon rôle, ménage, repassage, aller chercher les enfants à l’école et aide aux devoirs. Pendant deux mois, deux fois par jour soit 4 heures par intervention, je me rends dans une nouvelle famille. Pour une bonne moitié, elles sont de diverses cultures. Puis, un stage en maternité de 15 jours et un en crèche.
Le temps est venu de travailler seule. La peur au ventre, je pars en déplacement du lundi au vendredi à 15 kms de chez moi. Pas d’horaire de travail, il me faut prendre en charge une famille dont la maman est absente, le papa est agriculteur. C’est en plein hiver dans un petit village de 350 habitants, 9 enfants à la maison, 3 ne vont pas en classe. Côté pratique, l’école se situe en face. Il me faut vite retenir les prénoms, découvrir l’épicerie du village, pour les courses, l’épicière marque sur un cahier….. Le papa dépose un gros lapin sur la table !!! ouf je sais faire !!!
Jeune fille à l’époque, je me retrouve à la tête d’une famille nombreuse, « même pas peur » !
Le soir à 21 heures les pieds me brûlent, vite une petite toilette avec les moyens du bord et au lit. La semaine s’écoule avec le souvenir de la lessive au lavoir du village… le repassage avec le fer sur le poêle, le petit dernier qui pleure après sa maman, et, j’en passe.
Un peu de joie, c’est vendredi. La maman rentre avec le bébé, juste le temps de boire le café ….les voisines accourent pour voir le poupon. Il y avait peu de voiture à l’époque.
Retour chez moi ? Je me sens bien seule !!! j’ai le sentiment du devoir accompli. Chaque famille sera différente. L’efficacité et la discrétion seront de rigueur pour ce métier.
Place aux choses sérieuses. Une bourse m’est accordée pour partir dans un centre régional de formation à Metz (57). Je signe un document en prenant conscience que je devrai travailler 9 années pour l’organisme qui m’emploie sous peine de rembourser la formation au prorata des heures restant à effectuer. Au bout d’une année, j’obtiens mon diplôme.
Me voici armée d’un vrai métier. J’en suis fière. C’est un métier très dur mais gratifiant. Je l’ai exercé 19 ans. Que de souvenirs ! La profession existe toujours sous le sigle. T I S F (Travailleur Social en Intervention Familiale)