Carnet de poche appartenant au soldat Lambert Lagarrue, mobilisé le 3e jour incorporé au 143ème régiment d’infanterie territoriale à dater du 4 Août 1914.
Pau 4 Août 1914
Parti de Nousty par le train de 7 heures 30 en compagnie de Cazaban Joseph, Auguste Clos, Mathieu Haure, mobilisés le même jour, arrivés à Pau à 8 heures 30.
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Vendredi 28 Août
Réveil à 4 heures et demi ; on nous distribue les vivres de réserve : sel, haricots, sucre, café, riz, potage, conserve, etc. Notre bataillon part à 11 heures de notre cantonnement et à 2 h 7 nous embarquons et le train s’ébranle doucement ; dans tout le parcours ce fut des acclamations frénétiques des foules accourant au passage du train, les hommes se découvrent et agitent leur chapeau, les femmes leurs mouchoirs et beaucoup de mères soulevant leurs enfants semblent nous dire : « Nos maris sont partis; voyez nos fils, sauvez la France. »
Nous chantons à tue-tête : Beth Ceù de Paù, Montagnes Pyrénées. Enfin on s’endort pêle-mêle sur des bancs.
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Samedi 17 Octobre.
Même travail que le jour précédent, une section restant en armes aux tranchées. Vers midi quelques gros obus éclatent à notre gauche dans la direction de la 6e compagnie. Quelques instants après on apprend que le capitaine de la 6e a eu les 2 jambes coupées et 5 soldats tués et autant de blessés. Vers 4 heures nouveau bombardement; de gros obus éclatent sur nos têtes et éclatent devant et derrière; un éclate derrière notre tranchée et ensevelit 4 hommes qu’on doit retirer de dessous la terre.
Heureusement aucun n’est atteint; on nous fait partir en arrière derrière des piles de paille. Le soir on revient aux tranchées par section.
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Mardi 20 Octobre.
Comme le jour précédent, notre section aux tranchées et notre escouade attache des fils de fer à de pieux en avant de la tranchée. A 11 h nous sommes relevés ; nous rentrons au cantonnement. Les obus allemands ne cessent de tomber. Vers 2 heures un premier tombe tout près de notre demeure et fait voler les vitres en éclat ; chacun de courir d’un côté‚ et de l’autre. Un deuxième vint et tombe en plein sur le toit; je crus que c’était notre dernier moment ; et tout le plafond tomba sur nos têtes. Je cours vers la fenêtre, un autre était devant moi et l’enjambais après lui. Dedans on entendait des cris ; je cours me réfugier dans la tranchée et une fois l’accalmie passée, je trouve que la cuisse me fait mal ; un brancardier major tout poudreux me donne l’épaule et on me dirige vers un poste de secours où l’on me fait un pansement. Dans la voiture, je trouve Lautier soldat qui était dans la même maison et m’apprend qu’il y a eu 2 morts, Lacoste et Desblanc. Un autre obus avait fait d’autres victimes dans notre section : un tué Lauillé et trois blessés, caporal Laclau et les soldats Loustaunau un éclat d’obus lui ayant traversé le mollet et C. Nougué.
J’avais abandonné tout le fourbi sous les décombres et mon képi avec ; après je m’aperçus que j’avais la capote trouée de 5 trous de balles entre les jambes et sur le côté.
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